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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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fin mais son corps la rejetait. Le débat ne trouvant pas d'issue, on décida d'entailler ses membres à la hache pour qu'ils cédassent plus vite. Ainsi fut dit, ainsi fit Sanson. À la fin, une jambe s'arracha, puis l'autre, et après un long moment, un bras. Les balcons se vidèrent de la bonne société. De Damiens, il ne restait qu'une tête sur un tronc et un unique bras qui résistait encore lorsqu'il trépassa enfin. Chose curieuse, j'ai vu de mes yeux les cheveux bruns de ce pauvre garçon devenus aussi blancs qu'un linceul avant qu'il eût rendu l'ultime soupir. La place s'était désemplie de moitié et la jolie baronne qui m'accompagnait avait défailli à la première jambe enlevée. Je m'abstins de lui raconter la suite quand elle retrouva ses esprits. Le soir, les cabarets de Paris furent investis par une foule prodigieuse, et la ville entière s'enivra pour effacer de sa mémoire l'abject spectacle qu'on venait de lui jouer.
     
    Depuis près de deux années maintenant, mon activité de courtier de galanteries ne faiblissait pas et me valait l'estime de plusieurs gentilshommes parmi les mieux introduits à la Cour. Toutefois, les pensionnaires de Marguerite furent bientôt toutes connues de ces fins collectionneurs. Nous sommes ici dans un registre où la marchandise s'évente vite : il fallut donc trouver de quoi contenter les amateurs de nouveauté. Marguerite alerta ses recruteurs, mais sans succès. Les perles étaient rares, et nos habitués durent se satisfaire quelque temps de ce que nous possédions, d'autant que mon associée était très stricte sur la docilité de ses pensionnaires. Plusieurs fois, elle rechigna à faire entrer dans sa maison des prétendantes qui n'auraient sûrement pas gâté sa réputation, mais au motif qu'elle les trouvait peu soumises à sa loi. Car elle entendait qu'on lui obéît toujours sans discussion. Ce despotisme lui aliénait des femmes dont le caractère était pourtant un atout supplémentaire dans les milieux où nous souhaitions les placer, tentai-je plusieurs fois de lui expliquer. Mais Marguerite ne voulait rien entendre et pour lui être agréable je n'insistais jamais. Toutefois, cette divergence de vues commença d'éveiller en moi le sentiment que notre belle association ne durerait pas toujours. J'en étais là de mes réflexions quand, un soir, un domestique du prince de Conti m'apporta une invitation à venir le visiter le lendemain.
    Sans être un familier du prince, je puis dire qu'à cette époque nous entretenions des liens suffisamment honnêtes pour qu'il me conviât aux soupers privés qu'il donnait une fois le mois en son palais du Temple. Les participants étaient des gentilshommes de qualité, souvent versés dans les choses de l'État, de ce qu'il m'arriva de comprendre. J'y venais toujours accompagné d'une ou deux jeunes beautés – ou plus – et l'on m'y estimait beaucoup pour cela. Toutefois, ce jour-là, nul souper n'était prévu, et M. de Conti m'accueillit dans son cabinet de travail. Sans prendre les chemins de traverse, il m'expliqua les raisons de son invitation :
    — Très cher comte, voilà quelques années que nous nous fréquentons et c'est pour moi toujours un vif plaisir de partager de mon temps avec vous, commença-t-il.
    — Monseigneur, il en va de même pour moi, et je me flatte d'avoir su me rendre agréable, sans toutefois prétendre à être indispensable, répondis-je.
    Le prince sourit.
    — Je vous reconnais là, comte : vous êtes de ces hommes toujours jaloux de leur indépendance. Dans notre siècle, trop d'individus attachent leur destin à un puissant, comme des naufragés à leur radeau. Vous êtes dans cette ville depuis seulement deux ou trois années si je ne me trompe, mais vous y nagez parfaitement. Et sans appuis.
    — J'ai tenté, monseigneur, de faire mon chemin sans dépendre d'autres ressources que de celle de mon nom.
    — C'est ce que l'on me rapporte car aucune coterie ne semble pouvoir se targuer de vous compter comme un de ses défenseurs. Pas même ces francs-maçons dont on ne cesse de me rebattre les oreilles.
    — Dois-je comprendre qu'il a été diligenté une enquête sur moi ? demandai-je.
    — Comte, nous nous sommes par le passé rendus des services mutuels qui honorent des gentilshommes. Mais pensez-vous qu'un prince du sang n'ait pas quelques fidèles pour lui garantir qu'il place bien sa confiance ?
    — Vous doutiez de moi, monseigneur ?
    — Entendons-nous, je n'ai

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