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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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c'est cela… mais que sais-tu de l'amour, au fait ? lui demandai-je intrigué.
    Simon se tut et sa disgracieuse figure s'empourpra un peu plus. Je repris :
    — Aimais-tu ton bon curé ?
    — Oh certes non, monsieur le comte. Mais j'étais heureux qu'il s'occupât un peu de ma personne.
    — Le bougre aimait cela lui aussi… Et la Charogne, l'aimais-tu ?
    — Non plus, ni elle ni son époux. Je les craignais tant…
    — La peur n'empêche pas d'aimer, au contraire, le repris-je. Soit, nous dirons que tu ne les aimais pas. Et tu avais bien raison, ce sont des souillures. Mais as-tu déjà eu un ami ?
    — Non, mon maître.
    — Ou même un petit chien que tu aurais aimé ?
    — Jamais.
    — Je ne te demande pas si tu m'aimes, tu mentirais, poursuivis-je.
    — Mon maître…
    — Tais-toi ! Alors, puisque tu n'aimes ni n'as jamais aimé personne, comment peux-tu parler de ce que tu ne connais pas ?
    Simon se tortilla, piquant le nez vers le bout de ses chaussures. Au bout d'un instant, il marmonna :
    — Je crois que j'aime quelqu'un, mon maître.
    Le cocasse et l'impromptu de sa déclaration me tirèrent un franc éclat de rire. Je me levai et lui commandai de s'approcher, ce qu'il fit craintivement, convaincu que sa confession allait lui valoir une volée de coups de canne. Arrivé à deux pas de moi, je lui intimai l'ordre de s'arrêter. Je le scrutai longuement, sincèrement stupéfait qu'une telle carcasse abritât ce qu'il pensait être des sentiments. Je voulus en savoir plus :
    — Tu aimes donc ?
    — Je ne saurais dire, après ce que vous venez de m'expliquer, monsieur le comte… Est-ce mon cerveau ou mon cœur ? Je m'embrouille. Pourtant… il me semble que mon être n'est pas insensible à une certaine personne, avança-t-il péniblement.
    — Ah ah, nous sommes sur la piste. Il y a donc une personne que tu aimes, m'exclamai-je en jouant avec le pommeau de ma canne, ce qui ne fut pas sans faire tressaillir Simon.
    — Oui… monsieur…
    — Son nom ?
    — Euh…
    — Son nom, répétai-je en tripotant ostensiblement ma canne.
    Simon rentra sa petite tête entre ses larges épaules, comme une tortue. Il murmura :
    — Inge…
    — Qui ?
    — Inge…
    — Mais qui est cette Inge ?
    — La femme de chambre, monsieur, lâcha-t-il, en enfonçant encore plus la tête, si cela était possible.
    — La femme de chambre ? Laquelle ? Ma naine ? interrogeai-je, dubitatif, bien que cette dernière ne se prénommât pas Inge mais Louise.
    — Oh certes non, monsieur, pas Louise…
    — Oui, ça semble logique… Alors qui ? m'emportai-je un peu.
    — Inge, monsieur, ici, à Ludwisbour – il estropiait beaucoup de noms.
    Je réfléchis un instant. J'avais à mon service une cuisinière et un palefrenier français ainsi qu'une mère et sa fille, toutes deux issues de Stuttgart. La mère était une de ces Allemandes bien charpentées, aussi massive qu'un chêne de la Forêt-Noire, tandis que sa fille était une discrète petite ombre blonde dont les formes se dissimulaient dans des nippes de paysanne, de ce que j'avais pu apercevoir. C'est chez moi une règle de ne pas me commettre avec mes domestiques. Pour cela, je les préfère souvent d'un physique médiocre afin de ne pas être tenté. Dans beaucoup de maisons de mes connaissances, je sais qu'il est d'usage de quelque-fois se soulager avec des soubrettes, mais dans ma demeure, cette coutume n'a pas cours. Comment peut-on encore se faire respecter d'une femme qui, en plus de faire votre lit, s'y couche ? Et même si la domestique séduite sait rester à sa place, il en restera toujours une ambiguïté malsaine. Mais ces quatre-là, je ne les avais pas choisis, puisqu'ils ne devaient être à mon service que la durée de mon séjour. Simon s'était chargé de la besogne. Restait à savoir sur qui il avait porté son dévolu : je m'amusai à le harceler de questions.
    — Ma cuisinière te plaît ?
    — Non, monsieur le comte, s'écria-t-il, la mine dégoûtée.
    La scène était cocasse. Je n'en montrais rien, continuant à me composer le visage grave d'un magistrat à l'instruction. Simon n'avait pu réprimer un haut-le-cœur à l'idée de nourrir des sentiments pour la cuisinière qui, c'est vrai, offrait une physionomie des plus ingrates. Comme quoi, même un laid goûte peu la laideur. Je poursuivais mon investigation :
    — Bien, si on excepte le palefrenier, il reste donc la mère et la fille que tu m'as ramenées de Stuttgart. C'est la mère, cette Inge

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