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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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hissé M. de Choiseul à la tête de la France. En l'occurrence, le destin avait un nom : Mme de Pompadour. La favorite n'avait pas été pour rien dans l'ascension du duc de Choiseul depuis quelques petits services indignes qu'il lui rendit en dénonçant les amours secrètes de sa cousine, Mme de Choiseul-Beaupré, avec le roi. Il en avait acquis une reconnaissance sans faille et, dès lors, Mme de Pompadour ne cessa de le pousser. D'abord ambassadeur à Rome puis à Vienne, il venait de prendre le portefeuille des Affaires étrangères au cardinal de Bernis, débutant ainsi dans la carrière d'homme le plus puissant du pays après le roi. En cette période où il voulait asseoir son pouvoir, M. de Choiseul se fit entre autre décrire la coterie de M. de Richelieu qu'il soupçonnait d'œuvrer à sa perte. Il épousait en cela la défiance de Mme de Pompadour qui supportait si mal que le duc fût bien aimé du roi. On informa très médiocrement M. de Choiseul, car si ses espions avaient mieux connu M. de Richelieu, ils auraient rapporté qu'il n'était d'aucun parti, les fréquentant tous, et qu'il n'avait nul besoin d'imaginer des intrigues puisqu'il n'en ignorait aucune. On trouva tout de même à faire des listes des familiers du duc dont on voulut faire accroire qu'ils le soutenaient dans ses complots. Mon nom y figurait et justifia que l'on me tînt désormais à l'œil. En cette affaire, je puis jurer qu'il n'y avait rien de vrai. Mais pour régner il faut des alliés tout autant que des ennemis : M. de Choiseul me rangea définitivement dans cette case. D'autant qu'il me faut maintenant vous raconter une petite histoire qui n'arrangea pas ma réputation auprès de lui.
    Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que M. de Choiseul vivait en débauché. Il ne s'en était d'ailleurs jamais caché, et ses ambassades à Rome comme à Vienne souffrirent de sa réputation car ni le pape ni l'impératrice Marie-Thérèse n'appréciaient les libertins. Marié à la plus douce des épouses, il profitait de ce qu'il lui en imposa pour s'adonner à des vices dans lesquels il tentait de l'entraîner, mais toujours en vain. Il se vengea sur la fortune qu'elle lui avait amenée en dot. Je dois dire que je m'y connais dans l'art de dilapider, toutefois il m'est forcé de reconnaître que M. de Choiseul a peu d'égal en la matière. Et c'est bien parce qu'il a pu se servir à pleine main dans les caisses de l'État, qu'il se maintint à flot si longtemps. Un seul exemple : par un tour de passe-passe digne du plus grand mystificateur, M. de Choiseul s'était à cette époque rendu maître des six mille arpents de la forêt d'Amboise, possession de la Couronne, en l'échangeant au roi contre le domaine de Pompadour, que la marquise lui avait précédemment soi-disant cédé. La transaction faite, le roi se hâta de rendre son bien à la marquise. Le tour était joué. On voit que M. de Choiseul était de nature à donner la leçon à beaucoup de fripons. Au physique, il était d'ailleurs fort laid et d'une taille bien en dessous de la moyenne, ce qui le gêna souvent dans ses rapports avec les hautes statures. Ce fut ensuite un motif de plus pour ne pas m'aimer. Au moral, enfin, ce puissant personnage était de ces hommes qui veulent se bâtir de leur vivant une légende à laquelle on fera semblant de croire lorsqu'ils seront morts. Libéral en politique, entiché du système de l'Angleterre à un point qui me l'a toujours rendu suspect, il n'en usait pas moins de méthodes de basse police pour s'assurer de son pouvoir. Mais j'aurai plus loin maintes occasions d'illustrer ce propos car ma plume s'est laissé entraîner, pardonnez-moi.
    Je reprends : M. de Choiseul était un débauché et au début de son premier ministère, vers le milieu de 1760, il avait ses habitudes chez Mlle de Lens, une de mes recrues fraîchement arrivée de province. Belle et pleine d'entrain, elle enchantait les amateurs de certaines récréations par son caractère double : d'un extérieur soumis, elle montrait en privé un sens inné de l'autorité. Autrement dit, Mlle de Lens faisait marcher son monde à la baguette, qu'elle administrait joyeusement sur des culs consentants. C'est là une manie plus répandue qu'on ne le croit et les fidèles de cette église se recrutent souvent dans les milieux de la justice, de l'armée ou des affaires de l'État. Je ne vous dirais pas que M. de Choiseul était de cette obédience, mais il ne lui déplaisait

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