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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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soutiens pour en savoir plus. Je n'étais pas inquiet à proprement parler, mais, dans cette sorte d'affaire, il s'agit de prendre le mal à la source afin de se garder des mauvaises surprises.
    Je me rendis chez M. de Conti, qui ne sortait presque plus de l'enclos du Temple. Il me reçut dans sa bibliothèque dont les murs étaient recouverts de tableaux de maître du genre de ceux qui ne s'exposent qu'entre intimes. Son opposition au roi s'était envenimée : il désapprouvait désormais la politique de la France dans la guerre qui nous opposait à l'Angleterre et à la Prusse. Retiré dans son palais, il ruminait sa frustration, et se consacrait exclusivement à ses affaires, disait-il. Je lui contai mes déboires avec M. de Choiseul, ce qui l'intéressa beaucoup, mais il regretta de ne pouvoir m'être utile, ses amis n'étant pas de ceux que l'on prisait désormais à la Cour. C'eût été comme boire des remèdes dans le verre d'un lépreux, m'expliqua-t-il. Il n'avait pas tort. Il m'engagea cependant à ne pas laisser les choses en l'état car, continua-t-il, le parti de Mme de Pompadour s'était mis en tête de nettoyer Paris des gêneurs – ce sont ses mots. Je le remerciai de ses conseils puis je pris congé, l'invitant à me rendre visite prochainement. Il me répondit sur un ton de conspirateur qu'il préférerait pour l'instant rester sous la protection de l'enclos, mais qu'il me serait reconnaissant si, à l'occasion, je lui donnais de mes nouvelles par l'entremise d'une de mes protégées. Je le lui promis.
     
    L'année 1761 passa cependant sans qu'on ne me rapportât plus de médisances à mon sujet qu'à l'habitude. Mes affaires prospéraient et je m'apprêtais à accompagner le duc de Richelieu dans un voyage en Italie quand un fâcheux événement contrecarra mes projets. Une après-midi, Simon débarqua tout essoufflé dans mon cabinet de travail en balbutiant des propos incompréhensibles où il me sembla qu'il était question d'Héloïse, l'ancienne petite nonne qui s'était échappée de son couvent pour rejoindre le mien. Il me fallut le calmer d'un bon coup de canne sur le dos pour qu'il racontât clairement ce qui se passait. Alors qu'il se rendait chez Héloïse pour lui apporter les gazettes du jour – je voulais que mes filles soient toujours instruites des dernières nouvelles afin de faire bonne figure dans le monde –, il se heurta à une porte close. Il appela, mais nulle réponse ne vint. Au bout d'un moment, alors qu'il se décidait à rebrousser chemin, la porte d'Héloïse finit par s'ouvrir, laissant entrevoir la mine effrayée de sa femme de chambre. Elle lui expliqua entre deux sanglots qu'elle avait cru qu'il s'agissait des gardes de Paris qui revenaient pour l'emmener comme ils venaient de le faire avec sa maîtresse. Simon fila ventre à terre m'avertir. Mon sang se glaça : il ne pouvait s'agir que d'une regrettable méprise. Je partis au Châtelet pour tirer au clair ce scandale et je demandai à voir l'adjoint du lieutenant criminel qui me reçut aussitôt, me devant quelques bons services – dont Héloïse n'était pas. L'homme était embarrassé car, disait-il, il ne savait pas qu'Héloïse me fût précieuse. Il expliqua qu'une contrainte avait été délivrée contre elle sur la décision d'un juge qui répondait à la plainte d'un bourgeois. L'affaire s'obscurcissait. Je vous l'ai dit, Héloïse avait rejoint mon institution après sa désertion d'un honorable couvent. Elle démontra très tôt qu'elle avait bien fait car ses talents la hissèrent parmi les femmes les plus appréciées de ma maison. Et dans son appartement, elle recevait nuit et jour nombre des gentilshommes qui se coudoyaient habituellement au pied du trône, comme de riches bourgeois, toujours flattés de frotter leur cuir au même satin que les courtisans. Le neveu d'un notaire, en particulier, s'était entiché d'Héloïse dans une mesure qui outrepasse la règle en la matière. Pour que ce genre de commerce conserve une honorable réputation, il est bon qu'il coûte fort cher mais certainement pas qu'on ruine le galant – ou point trop vite. Bref, le garçon se montra tellement prodigue avec Héloïse que ses dépenses alertèrent son oncle. J'avais moi-même prévenu ma protégée qu'elle se devait de freiner les ardeurs de son jeune prétendant – et des coquins vous diront que je suis âpre au gain. Le bourgeois sermonna de son côté son neveu, en vain. Je ne pensais plus à ce détail

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