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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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autre que le fameux abbé Joncaire. Du genre laconique, je l'ai dit, ce dernier dut cependant être suffisamment explicite pour que le père indigne proposât à sa fille de s'acquitter à sa place de l'engagement en acceptant un souper avec l'abbé. Mlle Tiercelin avait bizarrement de l'affection pour son géniteur, et au moins aussi peu de moralité : elle accepta le marché. La dette fut éteinte en une nuit. Dans le même temps, une violente passion s'allumait entre l'Iroquois et la favorite. Tellement que, bientôt, Mlle Tiercelin ne voulut plus appartenir à nul autre. Tiercelin père avait loué sa fille pour une nuit mais il n'était aucunement dans ses intentions de troquer un roi contre un abbé venu de chez les sauvages. Il tenta de faire entendre raison à Louise mais elle déclara ne plus vouloir aller au Parc-aux-Cerfs. On comprendra que le ciel avait pourvu l'abbé de bien sérieux talents pour qu'elle renonçât ainsi à son lucratif statut, même si le caprice était dans sa nature. Désespéré, M. Tiercelin tenta alors une ambassade auprès de Joncaire. Il fut reçu avec égard, mais manqua avaler sa perruque quand l'abbé consentit que sa fille retournât chez le roi pourvu qu'il en soit lui aussi dédommagé. En somme, il ne voulait rien moins qu'un pourcentage, se faisant fort au passage de donner à Louise des conseils pour soutirer encore plus au souverain. Le père accepta le marché et Joncaire usa de son charme sorcier pour persuader la fille de rentrer au bercail. Voilà comment Mlle Tiercelin fut mise en fermage par ses protecteurs.
    Le bail dura toutefois trop peu pour les deux. Lebel veillait, et ses espions lui révélèrent bientôt le pacte secret entre les compères. Mais surtout, ils apportèrent les preuves des infidélités de Louise à son maître. Bref, Lebel, qui avait depuis longtemps dans l'idée de se débarrasser des Tiercelin père et fille, tissa un rapport qu'il fit passer à M. de Sartine. Le roi en fut informé mais ne manifesta pas de colère envers la jolie Louise. Non, ce fut l'abbé qui essuya l'ire royale. Une demi-douzaine de spadassins à la solde du lieutenant général de police l'alla cueillir chez lui, rue des Fossés. Comme il était un peu connu du beau monde, on usa de tact, mais on lui fit comprendre que l'air du Canada lui profiterait mieux que celui de Paris. Joncaire sentit qu'il ne servait à rien de tenter quoi que ce soit et décampa le soir même pour le premier port. De là, il passa en Angleterre.
    J'ai été encore une fois un peu long, mais avouez que la digression valait la peine. D'autant que lorsque je rentrai à Londres, j'accueillis quelques fois ce personnage dans ma maison. Je lui laissais penser qu'il m'était un ami afin de mieux l'interroger sur les détails de son aventure. Il me parla aussi des goûts du roi sur lesquels Mlle Tiercelin lui avait fait des confidences scabreuses. L'abbé me divertit ainsi plusieurs jours, jusqu'à ce que ses manières d'Iroquois me rendent sa présence importune. En mon absence, il prenait la liberté de venir chez moi à toute heure, se faisait servir à boire ou à manger par Simon, promenant partout un petit air de maître du logis, se piquant même de serrer Elie d'un peu près. J'ai nourri des parasites dans ma vie, mais je les ai toujours choisis et je donnai l'ordre à Simon de fermer ma porte à ce monsieur. L'abbé s'y cogna le nez plusieurs fois avant de comprendre qu'il n'était plus le bienvenu. Il voulut tout de même faire l'important et déclara qu'il se plaindrait dans tout Londres de mon hypocrisie. La chose m'était passablement indifférente : vous savez comment je traite les réputations que l'on me fait. Le hasard fit que nous ne nous croisâmes plus, même pas chez M. de Ligonier, qu'il avait également lassé : de ce qu'il me revint, l'abbé s'était cru devenu le maître du sérail du vieux lord. Selon Nallut, il quitta Londres quelques mois plus tard, et je n'ai plus jamais entendu parler de lui. Peut-être est-il rentré dans sa famille d'Iroquois 13 .
     
    Je mentirais à mon lecteur si je ne confessais qu'il m'arriva de trouver le temps long durant mon séjour à Londres. Certes, la ville recèle de nombreux intérêts, mais la condition de sujet du roi de France n'était alors pas le meilleur des passeports pour s'y mouvoir en toute quiétude. Et bien que je pusse me réclamer des honorables relations dont je vous ai parlé, il me restait difficile d'espérer être reçu

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