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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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enviable. Mais brisons là, ce petit badinage est innocent : il ne faut surtout pas le prendre au pied de la lettre. D'ailleurs, nous envisageons de bientôt quitter cette île brumeuse pour des terres plus riantes. J'aime la Campanie : le royaume de Naples m'a par le passé plutôt bien réussi. Et puis sous le soleil, les diamants sont plus étincelants, ajouta-t-il en s'emparant d'une part de gâteau à la crème d'amande.
    La conversation prit ensuite un tour plus mondain, Sarah Goudar nous faisant profiter de sa magnifique érudition en matière musicale pendant que son mari s'attelait à descendre une pièce montée. Nous nous séparâmes tard dans la nuit et je demandai à Simon de les raccompagner.
     
    Trouver un beau diamant est une chose : s'en rendre maître en est une autre. Sarah Goudar aimait Ange Goudar. Autant pour ce qu'il était que pour ce qu'il avait fait d'elle. Et mes tentatives afin de la détourner de lui ne trouvèrent jamais le moindre écho chez la belle Irlandaise. Toutes les autres fois où nous nous rencontrâmes, elle resta indéfectiblement attachée aux basques de son mentor. Malgré tous les efforts que je déployai, ma faillite fut complète. Je pense pourtant que j'étais supérieur à lui en bien des domaines. Mais c'est ainsi, il faut se faire une raison : l'attirance comme l'indifférence ne se soumettent à aucune logique. En désespoir de cause, je pensai un instant m'ouvrir à eux de mon plan. Toutefois je n'en fis rien : les deux époux étant de la même étoffe, je suis certain que ce couple sans morale aurait tenté de reprendre l'affaire à son compte. À la fin, j'espérai seulement qu'ils porteraient rapidement leurs pas vers l'Italie plutôt qu'à Paris, où la rumeur de cette éclatante Sarah n'aurait sans doute pas tardé à parvenir aux oreilles de Lebel.

 
    Chapitre XIX
    A Londres, certaines années, l'automne succède à l'hiver. Ce fut le cas en 1763. Mes journées s'écoulaient pluvieusement, seulement animées par les activités ordinaires d'un gentilhomme et par quelques visites à la cour du roi Georges, où ma parenté avec les Barrymore d'Irlande me fut un précieux passeport.
    Cette société était bien moins solennelle que son homologue française. Tous les jours, dans leur rustique demeure de Saint-James, le jeune roi et la reine recevaient sans manière les courtisans comme les visiteurs étrangers. Je m'y rendais souvent en compagnie de lord Ligonier et, une fois, le roi me fit la grâce de me saluer en français. Il fut très content de me savoir allié des Barrymore dont il disait le plus grand bien. Un d'entre eux séjournait à Londres : il me conseilla de lui faire une visite.
    Je rencontrai aussi l'ambassadeur de France, M. de Nivernais, bien connu depuis pour ses talents de plume. Nous échangeâmes un peu, mais suffisamment pour que ce digne académicien puisse faire un petit rapport à son ministère sur ma présence à Londres. Je le sus par M. de Richelieu qui, dans une de ses lettres, m'informa que l'ambassadeur était un proche de M. de Choiseul. À Paris, m'apprit-il également, on s'était adouci à mon égard. La coterie de Mme de Pompadour dardait désormais ses flèches sur d'autres cibles. Il se plaignit cependant que M. de Choiseul continuât de travailler ardemment à le perdre aux yeux du roi. Enfin, il commença de me parler dans ses courriers d'une belle position qu'il tentait d'obtenir pour moi auprès de certains de ses amis du ministère des Affaires étrangères. Nous en reparlerons plus loin. M. de Saint-Rémy m'écrivit aussi quelques fois, presque toujours pour se plaindre de la difficulté de tenir ma maison. Je lui fis passer de quoi payer les gages des domestiques, en même temps qu'une lettre de change de mille livres destinée à réparer la toiture qu'un violent orage avait endommagée, disait-il. Mais de cela aussi nous reparlerons.
    Pour l'heure, j'entamais mon sixième mois à Londres et de l'opinion de tous, je passais pour un honorable gentleman . D'autant, cela va vous surprendre, que j'hébergeais une charmante personne dont j'avais fait ma maîtresse et en quelque sorte celle de la maison. Nous nous étions rencontrés dans une auberge de Covent Garden, et sa bonne mine m'engagea à la garder un peu chez moi. Elle sut si bien se rendre indispensable qu'il m'apparut vite déraisonnable de me priver de ses services. Elizabeth, que j'appelais plus commodément Elie, était anglaise, parlait très mal le

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