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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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partout avec cordialité. J'essuyai d'ailleurs à deux ou trois reprises la morgue d'individus à qui il me fut difficile de demander réparation, d'abord parce qu'ils n'étaient pas tous d'honnête condition, ensuite parce que dans ce pays on se donne peu de coups d'épée. L'habitude veut que même chez les gens de qualité, on arrange souvent les affaires d'honneur avec ses mains. Les Anglais appellent cette manie le Boxing . Pour un Français, la chose est parfaitement indigne d'un gentilhomme, mais pour un Anglais elle n'est pas méprisable. Je vous laisse juge. Quoi qu'il en soit, l'air de Londres commençait à m'indisposer. Paris me manquait. Et puis si mon exil devait durer, la question de mes ressources allait de nouveau se faire jour.
     
    J'étais parti avec soixante mille livres, mais près de huit mois à Londres avaient écorné ma bourse de plus de la moitié. Il me fallait songer à rapidement trouver des moyens de subvenir à mes besoins, aucune date n'étant encore fixée pour mon retour. À Paris, le parti de Mme de Pompadour m'avait peut-être oublié ; toutefois, rien n'indiquait que la police de M. de Sartine fût dans les mêmes dispositions. Il convenait d'attendre encore. Je dois cependant vous avouer qu'à force de journées pluvieuses, l'idée de m'embarquer pour d'autres horizons fit le siège de mon esprit. Il n'a jamais été dans ma nature de me nourrir de rêves et à partir du mois d'octobre, c'est même très sérieusement que j'envisageai de quitter cette île. Pour aller où ? L'Italie me tentait depuis très longtemps. J'y connaissais quelques personnes, le temps me ferait oublier l'affreuse humidité de Londres, les femmes étaient belles, et de ce que j'en savais, mes talents trouveraient facilement à s'y employer. Mais une autre destination ne laissait pas de me séduire. Depuis mon arrivée, j'avais rencontré beaucoup d'habitants du Nouveau Monde, anglais ou français. Tous racontaient les richesses et les beautés de cette terre. Nallut s'y était rendu plusieurs fois, et il affirmait lui aussi qu'avec peu d'efforts et d'argent on pouvait y faire fortune. Vous savez l'homme que je suis. Et vous me croirez quand je vous dirai que ma décision était presque arrêtée lorsque, à la fin du mois d'octobre, je reçus d'importantes nouvelles de M. de Richelieu. J'entends d'ici tous ceux qui croient au destin. Qu'ils m'épargnent leurs commentaires : c'est de mon libre arbitre que j'abandonnai mes projets de voyage. J'ai eu raison, car si je ne connaîtrais sûrement jamais l'Amérique, en revanche, ils sont quelques-uns là-bas à ne plus ignorer mon nom aujourd'hui.
    Dans son courrier, le duc me proposait de rencontrer un de ses chargés d'affaires en visite à Londres : M. François – ce monsieur étant toujours le garant des secrets de ses riches clients, j'ai déguisé son véritable nom et je ne vous le décrirai pas. Le bonhomme séjournait près de la City, dans un hôtel confortable bien que de peu de luxe, où je lui rendis visite un soir. M. François était prudent, parlait peu, mais comptait bien. Il avait débarqué après la paix pour dresser l'inventaire des biens du duc en Angleterre : M. de Richelieu possédait depuis longtemps une petite fortune dans ce pays – il faut reconnaître aux banquiers anglais une parfaite probité, même envers les fonds déposés par leurs ennemis avant la guerre. Après s'être assuré de mon identité, M. François me révéla les informations dont il était porteur. Le duc de Richelieu, me dit-il, était sur le point de m'obtenir les bénéfices d'une charge de commissaire aux Subsistances pour les régiments français en Corse. Une fonction fructueuse qui, selon lui, devait me rapporter au moins cent mille livres par an, voire plus si je savais en tirer le meilleur parti.
    Je restai passablement surpris, pas tant de l'offre mais de l'insolite de cette rente. M. François m'expliqua que la Corse, de par sa position en Méditerranée, était l'objet des convoitises de nombreux États. Sans parler des fanatiques locaux qui voulaient s'y bâtir une patrie. Mais Gênes, à qui elle appartenait, se voyant incapable de fournir des troupes pour monter la garde sur ses côtes, avait demandé à la France, son alliée, d'y pourvoir. Plusieurs régiments royaux casernaient donc en Corse, et leur approvisionnement se faisait à prix d'or. Depuis une demi-douzaine d'années, Gênes payait, la France encaissait ; cependant, les soldats

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