Prophétie

supérieurs plusieurs fenêtres étaient éclairées, mais celles de Dorothy étaient désormais toutes sombres. La cour était déserte. Je pris une profonde inspiration, saisis le poignard et sortis.
    Je traversai la cour à grandes enjambées. Aucune lumière n’apparaissait dans la loge du portier, alors que lui ou son assistant étaient censés veiller toute la nuit, mais je savais qu’ils s’endormaient souvent à force de boire. Je pris plaisir à cogner contre la porte aussi fort que possible. Un instant plus tard le portier ouvrit. C’était un ancien soldat, un gros homme rougeaud dont l’haleine empestait la bière. Je m’empressai de lui apprendre qu’une femme avait été agressée et, l’informant que son agresseur rôdait peut-être toujours dans les parages, lui donnai l’ordre de se secouer et d’envoyer son assistant quérir Barak et Guy.
    De retour dans mon cabinet, je m’efforçai d’aider Tamasin à se remettre en lui apportant de l’eau et un linge pour qu’elle nettoie son pauvre visage tuméfié.
    « Jack aurait dû rester avec moi, se plaignit-elle. Il n’aurait pas dû me laisser dans l’angoisse. » La colère avait pris le dessus sur l’abattement nerveux.
    « Tamasin, vous avez dit que vous aviez l’impression que quelqu’un se trouvait devant la porte de votre appartement.
    — Ces derniers temps, durant l’absence de Jack, j’ai entendu quelqu’un marcher sur le palier. Ce soir, je suis allée écouter à la porte et j’ai perçu un bruit de respiration, comme si quelqu’un collait son oreille de l’autre côté.
    — Vous en avez parlé à Jack ?
    — Il m’a répondu que mon imagination me jouait des tours. Mais ce soir, quand j’ai écouté à la porte, j’ai entendu distinctement des pas qui s’éloignaient. La porte d’entrée du bâtiment a grincé et après il y a eu un silence si profond que je n’en pouvais plus. Alors j’ai quitté la maison en courant. Quelle idiotie ! »
    Je m’appuyai au dossier de mon siège. Il avait dû attendre dehors. Peut-être attendait-il dehors tous les soirs. La vision me donna la chair de poule. Il avait dû suivre Tamasin jusqu’à Lincoln’s Inn. Et, je ne m’étais pas trompé, il m’avait bien suivi. Elle se mit à pleurer, doucement. Je posai ma main sur son bras. Apparemment, j’avais ce soir la tâche de réconforter les innocentes victimes de cet individu.
     
     
    Barak arriva une demi-heure plus tard, tiré de la taverne de Newgate par l’assistant du portier. Il entra dans le cabinet en coup de vent, les yeux exorbités. « Qu’est-ce qui s’est passé ? On m’a dit que Tamasin était blessée ! » Il se précipita vers sa femme, mais s’arrêta net au moment où, levant la tête, elle tourna vers lui avec colère son visage défiguré.
    « Oui, Jack, rétorqua-t-elle. Par ce type imaginaire du palier, par l’une de mes chimères, par le fruit de mon imagination ! »
    Il me regarda, et ce fut l’une des rares fois où je le vis décontenancé. Je lui offris du vin, le fis asseoir, et lui racontai ce qui s’était passé. Pendant mon récit, il n’arrêta pas de jeter des coups d’œil à Tamasin, qui, hors d’elle, le fixait toujours d’un air furibond.
    « Je n’aurais jamais imaginé qu’il pouvait connaître notre adresse, dit-il à Tamasin. Ni même notre identité. Comment l’aurais-je pu ? » Il se tourna vers moi. « Et pourquoi a-t-il fait ça ? On dirait presque qu’il cherche à nous narguer !
    — Tu sais que moi aussi j’ai eu l’impression d’être suivi.
    — Pensez-vous qu’il puisse s’agir de quelqu’un que nous connaissons ?
    — Je ne sais que penser. Tamasin, vous n’avez remarqué aucune caractéristique précise ?
    — Non. Il a surgi derrière moi et j’ai fermé les yeux quand il a commencé à me battre. Il était très fort. Quand je suis tombée par terre, il m’a donné un coup de pied avant de me déclarer, comme je vous l’ai dit, qu’il savait que vous le pourchassiez, mais que vous ne réussiriez pas à l’empêcher de mener à bien sa mission.
    — Il n’y a plus aucun doute ! C’est bien lui, affirma Barak, le teint blême.
    — Mais de qui parles-tu ? s’écria Tamasin d’une voix suraiguë. Qui pourchassez-vous ? Qui a-t-il tué ? »
    Barak et moi échangeâmes un regard. Il hocha la tête et je racontai à Tamasin l’histoire des trois meurtres, lui expliquai le rapport avec l’Apocalypse et la