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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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m’aider. Mais, aujourd’hui, il va faire la fête le soir à tout bout de champ. Et oui, vous aviez raison, il écoute à la porte durant mes consultations. Et j’ai pensé… » Il s’interrompit brusquement, posant la tête sur son poing serré.
    « Vous avez pensé quoi ? »
    Quand il reprit la parole, ce fut la tête baissée, d’une voix défaillante, cassée. « J’ai cinquante-sept ans, Matthew. Je suis un vieillard. J’ai été moine durant trente ans et voilà cinq ans que je suis rentré dans le monde. Quand on devient moine, on fait le vœu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Si on respecte scrupuleusement ses vœux – et je sais bien que ce n’était pas le cas de tous les moines, vous avez pu le constater vous-même quand on s’est rencontrés à Scarnsea –, on se dépouille des passions terrestres. Ce n’est pas une opération facile. Je vous ai parlé de la femme que j’ai aimée dans ma jeunesse.
    — Et qui est morte.
    — Oui. Et je vous ai dit que j’ai été en colère, très en colère contre Dieu. J’avais le sentiment qu’il m’avait enlevé Éloise pour me pousser vers le cloître… Je suis passé de cette colère, poursuivit-il en secouant la tête, au doute. L’image de Dieu présentée par l’Église était-elle le moins du monde véridique ? Les sauvages du Nouveau Monde n’avaient-ils pas raison de croire que Dieu est un être cruel et vengeur qui exige des sacrifices humains ? Car j’avais l’impression qu’Éloise avait été sacrifiée. Durant mes études, je me suis mis à m’intéresser aux maladies mentales, qui s’accordaient avec ma conception de l’homme et de Dieu comme des êtres imparfaits, dépravés. »
    Je ne l’avais jamais entendu parler sur ce ton courroucé.
    Il hocha la tête et fit un sourire serein. « Mais c’était au moment où j’ai touché le fond de l’abîme, le point le plus bas que Dieu m’ait peut-être permis d’atteindre, car j’étais au bord du désespoir. J’ai continué à prier. Je n’en avais aucune envie, mais je sentais que c’était important. Bizarrement, la prière m’ancrait dans le monde réel que je distinguais de moins en moins clairement. Et un beau jour j’ai entendu une douce voix qui semblait dire : « Je n’ai pas enlevé Éloise au monde. Pourquoi ta vie serait-elle plus importante que la sienne ? » Et cette petite réprimande m’a montré qu’inconsciemment j’avais toujours considéré qu’aux yeux de Dieu ma vie de savant était plus importante que l’existence d’Éloise, qu’il pouvait prendre la sienne afin de m’attirer dans un cloître… Voilà ! fit-il en se redressant sur son siège. Quand Dieu nous reproche gentiment notre arrogance, nouspouvons être plus certains que c’est vraiment Lui qui nous parle que lorsqu’on se gonfle d’orgueil après la prière.
    — Je suis tout à fait d’accord.
    — Après cela, mon amertume m’a peu à peu abandonné. Or voici que mon esprit est à nouveau troublé. N’est-il pas étrange qu’on soit en train de pourchasser un tueur obsessionnel juste au moment où je suis derechef la proie de sentiments troublants. Et, oui, cette fois-ci Piers en est la cause… Je me suis demandé si les sentiments que j’éprouve pour lui sont honorables », poursuivit-il après une brève hésitation.
    C’était donc là la clef du mystère. Et je savais que Piers allait utiliser ce trouble. « Qu’en pensez-vous vous-même ? » demandai-je doucement.
    Il secoua la tête d’un air triste. « Je n’en suis pas sûr. La première fois où je l’ai vu, alors que son vieux maître se mourait – et ce charlatan traitait fort mal Piers, par ailleurs –, c’est son intelligence qui m’a frappé, une intelligence laissée en jachère. Mais j’ai aussi remarqué son beau visage et son beau corps, et quand il est venu s’installer chez moi, j’ai découvert que j’éprouvais des sentiments nouveaux et insolites. »
    Je ne savais que dire. Égoïstement, je pensai : Guy est le roc sur lequel je m’appuie. Faites qu’il ne s’écroule pas maintenant !
    « Ah, j’ai beaucoup réfléchi à la question ! dit-il. Et j’ai également prié. Et savez-vous ce que j’en pense ? Je pense que ce que je veux, ce que j’ai peut-être toujours voulu, c’est un fils. Un fils à élever, avec qui échanger des idées, qui vienne me rendre visite quand j’aurai cessé de travailler. Au monastère, on ne

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