Prophétie
diriger l’opération. Matthew, vous et Barak accompagnerez le coroner.
— Bien, monseigneur. » Barak attendait dehors. Je lui avais envoyé un message à la maison avant de partir pour Lambeth et il était venu à cheval. Il avait retrouvé Tamasin chez l’une des amies de la jeune femme, mais elle avait refusé de le voir. Il était fou de rage et de remords.
Un élancement dans le dos me fit grimacer. « Qu’est-ce qui ne va pas ? s’enquit Cranmer.
— J’ai été brûlé chez Goddard, mais pas sérieusement.
— Je sais que vous avez subi beaucoup d’épreuves, Matthew… J’espère que le majordome de lady Catherine est un homme sensé. L’affaire n’est pas encore terminée », conclut-il gravement.
Nous renfilâmes nos manteaux, descendîmes l’escalier à toute vitesse, traversâmes la grande salle et ressortîmes dans les jardins du palais, Barak s’étant joint à nous en chemin. Le soleil se couchait derrière des bancs de nuages blancs qu’il rosissait. Je tressaillis.
« Où sont les gardes ? demanda Harsnet avec impatience.
— Le sergent doit être en train de les rassembler, suggéra Barak.
— Êtes-vous en état de chevaucher jusqu’à la chartreuse malgré vos brûlures, Matthew ?
— Je participe à cette affaire depuis le tout début. Si nous approchons du dénouement, je veux y assister. »
On entendit un bruit de sabots et un cliquetis de harnais, tandis qu’un cavalier sortait ventre à terre des grilles du palais. « Voilà le messager », dit Barak. Un instant plus tard, une douzaine d’hommes casqués et armés – ils avaient troqué leurs piques pour des épées – apparurent au coin du bâtiment, conduits par un sergent. Censés faire des rondes dans l’enceinte du palais et non pas courir à travers la ville, ils paraissaient déconcertés par ce brusque changement de leur traintrain quotidien. Mais c’étaient tous des gars costauds, et le sergent, homme de haute taille, âgé d’une trentaine d’années, au nez aquilin et au regard vif, avait l’air très déterminé. Il s’approcha de Harsnet.
« Monsieur le coroner ?
— Oui.
— Je suis le sergent Keeble, monsieur.
— Vos hommes sont-ils prêts à chevaucher ?
— Oui, monsieur. Nous devons nous rendre à Charterhouse Square, paraît-il.
— C’est bien ça. Venez ! Je vous expliquerai de quoi il retourne sur le chemin de l’embarcadère.
— Cantrell a eu toute une journée pour pénétrer dans la maison de lady Parr, me dit Barak à voix basse. Et il y a fort à parier qu’il avait effectué de soigneux repérages auparavant.
— Vu l’importance qu’elle a à présent, je suppose que lady Catherine est bien gardée. »
Le secrétaire de l’archevêque avait bien fait son travail : le chaland nous attendait à l’embarcadère et, lorsque nous eûmes traversé le fleuve, nous trouvâmes un groupe de chevaux sellés. Nous chevauchâmes à bride abattue en direction de la chartreuse tandis que l’obscurité épaississait. Les mouvements du cheval me mettaient le dos en feu, la boue aggravant les difficultés des routes. Dans les champs de chaque côté, surprises, des vaches s’écartaient en titubant. Nous atteignîmes Smithfield et entrâmes dans Charterhouse Square. Au coin se trouvait L’Homme Vert, dont la porte et les fenêtres étaient à présent condamnées avec des planches clouées. Nous traversâmes l’herbe de la place et nous arrêtâmes devant le portail de la chartreuse. Un peu plus loin, une bande de gueux traînant dans l’encadrement de la porte ouverte de l’ancienne chapelle désaffectée nous regardèrent sans bouger : pas question d’accoster un groupe d’hommes en armes. Sir Thomas arrêta sa monture. « À mon avis, nous devrions d’abordfouiller les entours, déclara-t-il. Il risque de s’enfuir s’il se trouve dans les parages et que nous investissions la demeure. Cette fois-ci, je veux qu’on l’attrape. » Il planta sur moi un regard dur, puis, éperonnant son cheval, se dirigea vers la chartreuse. Le portail étant ouvert, nous pénétrâmes dans l’enceinte.
Russell, l’intendant de sir Thomas, émergea du local des écluses. Seymour lui expliqua ce qui était arrivé. « Je suggère qu’on envoie trois ou quatre des gardes de l’archevêque explorer les abords de la place à pied, dit-il. S’il se trouve dans les parages et qu’on envoie tout le monde fouiller les entours, on risque de
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