Prophétie
sans la permission de son frère. »
Nous traversâmes à grands pas la place plantée d’arbres et arrivâmes devant les grandes maisons du côté est. Celle de lord Latimer était unevaste demeure de trois étages se dressant à une certaine distance de la rue au milieu de jardins. Plusieurs des larges et hautes fenêtres à carreaux en losange étaient éclairées. Comme nous avancions sur l’allée de gravier, la porte d’entrée s’ouvrit et un homme d’âge mûr, barbu, l’air anxieux, apparut, une lanterne à la main. Les armes de lord Latimer – un bouclier gris marqué d’une croix rouge placée en diagonale – étaient cousues en bonne place sur son pourpoint.
« Monsieur le coroner ? fit-il en s’adressant à Harsnet.
— Oui. Tout est-il en sécurité ? »
Il hocha la tête. « Nous avons fouillé la maison. Il n’y a personne. Nous avons annoncé à lady Catherine que des voleurs hantaient les parages et l’avons priée de rester dans sa chambre, mais elle veut prendre les choses en main.
— Elle ne se rend pas compte du danger qu’elle court, dis-je.
— Il n’est pas loin, je le sens », murmura Barak. Il regarda les ombres noires projetées par la maison. Des arbres et des buissons poussaient à l’intérieur du mur d’enceinte. Cantrell pouvait aisément s’y cacher.
Le majordome posa sur moi un regard aigu. « Que voulez-vous dire ? demanda-t-il. Je pensais qu’il s’agissait d’une bande de cambrioleurs ?
— Nous pourchassons un seul homme, expliqua Harsnet en fixant le majordome droit dans les yeux. Un assassin. Un fou. Il faut avertir lady Catherine qu’elle court un grand péril. Combien d’entrées y a-t-il ? »
Le majordome écarquilla les yeux. « Deux. Celle-ci et celle des livreurs à l’arrière.
— Avez-vous eu des visiteurs aujourd’hui ? demandai-je.
— Un messager du roi est venu apporter un billet pour lady Catherine… Elle est très agitée depuis, ajouta le majordome après une courte hésitation.
— Où se trouve-t-elle ? s’enquit Harsnet.
— Dans ses appartements, au premier.
— Très bien. Priez-la de ne pas en bouger… Que deux d’entre vous, dit-il aux gardes, se joignent à lui pour aller la protéger. » Deux hommes suivirent le majordome et tous les trois entrèrent dans la maison en courant. Harsnet se tourna vers les autres. « Six hommes vont patrouiller dans le parc. Et que tous les autres viennent avec moi dans la maison. » Force me fut d’admirer sa fermeté et son aptitude au commandement. Il prit la tête des quatre hommes restants, et Barak et moi les suivîmes dans la maison.
Nous pénétrâmes dans un vaste vestibule dont les murs étaient tendus de luxueuses tapisseries représentant des dieux grecs et romainsdans un décor bucolique. Devant nous, un large escalier menait aux étages. De chaque côté du pied de l’escalier, deux lions de bois aux couleurs éclatantes portaient les armes des Latimer. Plusieurs portes s’ouvraient dans le vestibule. Au fond, deux pages effrayés se tenaient dans l’encadrement de l’une d’elles. « Rentrez ! » ordonna Harsnet. Ils s’éclipsèrent en toute hâte. Nous levâmes les yeux vers le majordome qui descendait les escaliers quatre à quatre. Je fus soulagé de voir qu’il avait l’air à la fois déterminé et plus serein.
« Lady Catherine a accepté de rester dans ses appartements. Mais elle aimerait vous voir, monsieur le coroner.
— Très bien.
— Qu’allez-vous lui dire ? demandai-je.
— Qu’on nous a parlé d’un assassin, rien de plus. » Il se tourna vers le majordome. « Vérifiez que tous les serviteurs se trouvent bien là. »
L’homme hocha la tête et se dirigea vers le quartier des domestiques. Harsnet prit une profonde inspiration et gravit les marches. Barak et moi demeurâmes avec les quatre gardes restants, lesquels, mal à l’aise, palpaient le pommeau de leur épée.
« C’est donc vrai, monsieur, demanda l’un d’eux, qu’il y a un fou qui veut s’en prendre à lady Catherine ?
— Apparemment. »
Harsnet revint quelques minutes plus tard, la mine sombre. « Lady Catherine ne va pas quitter ses appartements, déclara-t-il. C’est une grande dame qui m’a reçu avec beaucoup de courtoisie et de calme. Toutefois, cela ne m’a pas empêché de voir qu’elle était terrorisée. »
La porte menant au quartier des domestiques s’ouvrit et le majordome reparut.
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