Prophétie

froide et enquêter méthodiquement.
    — Tu oublies que c’est seulement parce que tu es mon frère que ta présence est tolérée parmi nous, renchérit sir Édouard. Et le rapport avec Catherine Parr, dont le bien-être préoccupe ton esprit chevaleresque, semble désormais écarté. On n’a pas besoin de toi et j’ai eu tort de t’impliquer dans cette affaire. Ç’a été une bêtise », conclut-il en hochant la tête.
    Un instant, le visage de Thomas Seymour s’empourpra de colère, et il se dirigea à grandes enjambées vers la fenêtre, tel un enfant vexé. Cranmer se tourna vers nous. « Chacun d’entre vous connaît sa mission. Alors, acquittez-vous-en promptement ! » Il nous donna congé.
    Dans le couloir, sir Édouard et son frère partirent d’un pas ferme dans des directions opposées, mais Harsnet s’attarda près de moi. Barak attendait sur un banc un peu plus loin. Il nous rejoignit et se plaça près de moi en silence.
    « Nous allons apparemment travailler ensemble, déclara Harsnet. Je vous félicite d’avoir découvert le lien avec ce maraîcher et avec l’Apocalypse. Même si je prie que vous vous trompiez à ce sujet.
    — C’est en effet une hypothèse terrifiante.
    — Je suis désolé d’avoir parlé un peu rudement au cours de cette réunion. Cranmer a raison, nous devons garder la tête froide pour élucider ces crimes atroces. Mais l’idée que quelqu’un qui a étudié la Bible puisse agir de la sorte… » Il secoua la tête et se tut.
    « Toute cette histoire est monstrueuse. Je n’ai jamais rien entendu de pareil.
    — Ni moi. Mais je trouve qu’on aurait dû davantage chercher à comprendre la nature de ce criminel.
    — Vous pensez qu’il est peut-être possédé et que le diable le pousse à agir ainsi ? Eh bien, moi, je pense qu’il est plus probable qu’il souffre d’une maladie mentale, qui a déclenché en lui un fanatisme hors du commun », déclarai-je d’un ton conciliant mais ferme. Je revis Adam Kite à genoux en train de marmonner des prières. Et, comme l’avait affirmé Guy, la folie peut revêtir bien des formes.
    « Et il est possible, selon vous, qu’il choisisse ses victimes parmi ceux qui ont abandonné une pratique religieuse fondée sur la Bible ? demanda fébrilement Harsnet en secouant la tête.
    — C’est une possibilité, à mon avis. Je crois qu’on peut avoir affaire à un homme rendu fou par l’extrémisme religieux.
    — Mais avez-vous jamais entendu parler d’un fou capable d’élaborer et d’exécuter un projet aussi ambitieux ? Le diable en serait capable, lui. Et, si vous avez raison, il s’agit d’un blasphème.
    — J’avoue ne pas savoir de quoi il retourne, monsieur, mais, dans l’état actuel des choses, ces supputations me paraissent inutiles. »
    Harsnet opina du bonnet. Je compris que, voulant garder de bons rapports avec moi, il ne souhaitait pas être entraîné dans ce genre de discussion. J’admirais son professionnalisme. Je changeai de sujet.
    « Les relations entre Thomas Seymour et son frère semblent tendues.
    — En effet. Lord Hertford est un homme intelligent, un grand homme. Si les circonstances s’y prêtaient il pourrait être un grand réformateur, tant en matière de religion que dans le redressement des injustices sociales. L’affection qu’il porte à sa famille est sa seule faiblesse. Il a beaucoup de mal à discipliner son frère.
    — Sans doute, fis-je, tout en pensant qu’un homme véritablement fort n’aurait pas laissé son affection le dominer à ce point.
    — Me ferez-vous part de ce que vous découvrirez à la Cour des augmentations ? me demanda Harsnet. Je recevrai sans difficulté une missive urgente libellée à mon attention personnelle.
    — D’accord.
    — Si j’envoie un messager, devra-t-il se rendre à votre cabinet ?
    — Oui. Ou chez moi si je n’y suis pas. J’habite dans Chancery Lane, à deux pas de Lincoln’s Inn.
    — À bientôt donc ! » Il fit un signe de tête à Barak, inclina le buste à mon adresse et s’éloigna. Barak était pâle comme un linge. « Il a raison, dit-il. C’est diabolique. »
    D’un seul coup, l’horreur de la situation me fit chanceler. La mort atroce de Tupholme, celles de Roger et du Dr Gurney… Ils avaient tous les trois été tués selon un plan méthodiquement élaboré. « Il y a eu des prophètes fous, dis-je sans grande conviction.
    — La lecture de l’Apocalypse m’a fait