Prophétie
papistes, qui prétendent comprendre les secrets de l’Apocalypse ? » À nouveau, sir Thomas me surprenait par sa perspicacité.
« Peut-être ces meurtres sont-ils justement destinés à se gausser cruellement de ces idées, répliqua Cranmer. L’Église papiste avait sespropres exégètes de l’Apocalypse, comme Joachim de Flore. » Son visage s’illumina à la pensée que les motifs religieux de l’assassin puissent être conservateurs et non réformateurs. Se redressant sur son siège, il nous fixa l’un après l’autre. « Messire Harsnet, je souhaite que vous cherchiez à déterminer si le maraîcher avait des liens avec les deux premières victimes, surtout en ce qui concerne leur appartenance religieuse. Vous, Matthew, consultez les archives de la Cour des augmentations. Édouard, poursuivit-il en s’adressant à Hertford, en ce moment vous êtes proche du roi, je m’en remets à vous pour vous assurer qu’il n’aura pas vent de cette affaire. »
Hertford acquiesça. « Du moment qu’aucun des présents ne parle, je peux m’en assurer.
— Et moi ? fit Thomas Seymour.
— Toi, Thomas, tu restes bouche cousue », lui enjoignit son frère.
Seymour rougit. Hertford se tourna vers Cranmer. « D’accord. Nous enquêtons donc sur les faits passés. Mais qu’en est-il de l’avenir ? Si l’avocat ici présent a raison, et je pense qu’il y a de fortes chances que ce soit le cas, un quatrième crime est imminent. » Il ouvrit la bible et lut à haute voix : « “Et le quatrième ange versa sa coupe sur le Soleil, et il lui fut donné de brûler les hommes par le feu. Et les hommes furent brûlés d’une grande brûlure, et ils blasphémèrent le nom de Dieu qui a le pouvoir sur ces plaies, et ils ne se repentirent pas.”
— Que va-t-il faire ? s’interrogea Cranmer. Où et quand va-t-il se manifester ?
— N’importe qui peut être la prochaine victime, dis-je. N’importe où à Londres. Soit un homme pieux comme Roger, soit un homme retombé dans le péché comme le maraîcher. Il nous est impossible de savoir où et quand il va frapper.
— Nous ne pouvons donc pas contrecarrer ses projets ?
— Sauf si on arrive à l’arrêter avant, répondis-je. Et je pense qu’il va bientôt agir.
— Pourquoi donc ? s’enquit Harsnet.
— Il semble que Tupholme ait été trouvé au mois de janvier. Le Dr Gurney est mort en février, un mois après. Roger est mort trois semaines plus tard. Il y a une semaine. Il paraît raisonnable d’imaginer que le quatrième meurtre se produira dans les quinze jours.
— Et les trois dernières coupes de la fureur de Dieu ? demanda Thomas Seymour. Que déclenchent-elles ? »
Cranmer prit une profonde inspiration. « La cinquième coupe apporte la mort aux pécheurs par les ténèbres et de grandes douleurs. Cela pourrait signifier la mort d’une centaine de façons. La sixième coupe assèche les eaux de l’Euphrate, et je ne vois guère ce que l’on peut faire pour simuler cette catastrophe. Enfin, lorsque le septièmeange verse sa coupe, il y a des coups de tonnerre, des éclairs, ainsi qu’un violent tremblement de terre.
— Monseigneur, dis-je. Permettez-moi de vous demander encore une chose. Cela pourrait nous aider.
— Allez-y !
— Le Dr Malton m’a indiqué que certains des infirmiers des monastères utilisaient le papaver. Même s’il ne les connaît pas personnellement, il peut avoir entendu parler d’eux. J’aimerais le mettre au courant. Il nous a déjà aidés en ce qui concerne le papaver.
— C’est un ancien moine, n’est-ce pas ? s’enquit Hertford d’un ton sec.
— Certes. Mais si Matthew affirme qu’il gardera le secret, répliqua Cranmer en posant sur moi un long et pénétrant regard, je suis d’accord. Vous pouvez le mettre dans la confidence, Matthew. »
Hertford et Harsnet me fixèrent d’un air dubitatif. Mais Cranmer me conforta d’un signe de tête.
Il y eut quelques instants de silence pendant que nous imaginions les horreurs à venir. Puis sir Thomas éclata de rire. « Grand Dieu, ce tueur doit vraiment jouir de pouvoirs diaboliques s’il est capable de déclencher un tremblement de terre !
— Trêve de sarcasmes, Thomas ! s’écria Cranmer avec une colère soudaine. Nous savons tous, nous devrions tous savoir, en tout cas, que le diable et toute sa puissance sont peut-être à l’œuvre dans cette affaire, mais nous devons garder la tête
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