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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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de l’Église, messire évêque, que de refuser la trêve à
Dieu ? Veuillez apprendre, si vous ne le savez pas, que j’ai pouvoir
d’ôter office et bénéfices à tout ecclésiastique qui voudrait entraver mes
efforts de paix… La Providence punit les présomptueux, messire. Laissez donc au
roi l’honneur de montrer sa grandeur, s’il le veut… Sire, vous tenez tout en
vos mains ; Dieu décide à travers vous. »
    Le compliment avait porté. Le roi
tergiversa quelque temps encore, tandis que je continuais de plaider,
assaisonnant mon propos de compliments gros comme les Alpes. Quel prince,
depuis Saint Louis, avait montré tel exemple que celui qu’il pouvait
donner ? Toute la chrétienté allait admirer un geste de preux, et
viendrait désormais demander arbitrage à sa sagesse ou secours à sa
puissance !
    « Faites dresser mon pavillon,
dit le roi à ses écuyers. Soit, Monseigneur cardinal ; je me tiendrai ici
jusqu’à demain, au soleil levant, pour l’amour de vous.
    — Pour l’amour de Dieu,
Sire ; seulement pour l’amour de Dieu. »
    Et je repars. Six fois au long de la
journée, je devais faire la navette, allant suggérer à l’un les conditions d’un
accord, venant les rapporter à l’autre ; et chaque fois, passant entre les
haies des archers gallois vêtus de leur livrée mi-partie blanche et verte, je
me disais que si quelques-uns, se méprenant, me lançaient une volée de flèches,
je serais bien assaisonné.
    Le roi Jean jouait aux dés, pour
passer le temps, sous son pavillon de drap vermeil. Tout à l’alentour, l’armée
s’interrogeait. Bataille ou pas bataille ? Et l’on en disputait ferme
jusque devant le roi. Il y avait les sages, il y avait les bravaches, il y
avait les timorés, il y avait les coléreux… Chacun s’autorisait à donner un
avis. En vérité, le roi Jean restait indécis. Je ne pense pas qu’il se posa un
seul moment la question du bien général. Il ne se posait que la question de sa
gloire personnelle qu’il confondait avec le bien de son peuple. Après nombre de
revers et de déboires, qu’est-ce donc qui grandirait le plus sa figure, une
victoire par les armes ou par la négociation ? Car l’idée d’une défaite
bien sûr ne le pouvait effleurer, non plus qu’aucun de ses conseillers.
    Or les offres que je lui portais,
voyage après voyage, n’étaient point négligeables. Au premier, le prince de
Galles consentait à rendre tout le butin qu’il avait fait au cours de sa
chevauchée, ainsi que tous les prisonniers, sans demander rançon. Au second, il
acceptait de remettre toutes les places et châteaux conquis, et tenait pour
nuls les hommages et ralliements. À la troisième navette, c’était une somme
d’or, en réparation de ce qu’il avait détruit, non seulement pendant l’été,
mais encore dans les terres de Languedoc l’année précédente. Autant dire que de
ses deux expéditions, le prince Édouard ne conservait aucun profit.
    Le roi Jean exigeait plus
encore ? Soit. J’obtins du prince le retrait de toutes garnisons placées
en dehors de l’Aquitaine… c’était un succès de belle taille… et l’engagement de
ne jamais traiter dans l’avenir ni avec le comte de Foix… à ce propos, Phœbus
était dans l’armée du roi, mais je ne le vis pas ; il se tenait fort à
l’écart… ni avec aucun parent du roi, ce qui visait précisément Navarre. Le
prince cédait beaucoup ; il cédait plus que je n’aurais cru. Et pourtant
je devinais qu’au fond de lui il ne pensait pas qu’il serait dispensé de
combattre.
    Trêve n’interdit pas de travailler.
Aussi tout le jour il employa ses hommes à fortifier leur position. Les archers
doublaient les haies de pieux épointés aux deux bouts, pour se faire des herses
de défense. Ils abattaient des arbres qu’ils tiraient en travers des passages
que pourrait emprunter l’adversaire. Le comte de Suffolk, maréchal de l’ost
anglais, inspectait chaque troupe l’une après l’autre. Les comtes de Warwick et
de Salisbury, le sire d’Audley participaient à nos entrevues et m’escortaient à
travers le camp.
    Le jour baissait quand j’apportai au
roi Jean une ultime proposition que j’avais moi-même avancée. Le prince était
prêt à jurer et signer que, pendant sept ans entiers, il ne s’armerait pas ni
n’entreprendrait rien contre le royaume de France. Nous étions donc tout au
bord de la paix générale.
    « Oh ! On connaît les
Anglais, dit

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