Quelque chose en nous de Michel Berger
intervenants américains sur des paroles coécrites par divers paroliers locaux. Une réflexion musicale sur l’expérience de quelqu’un fraîchement débarqué à NYC et aux prises avec les challenges d’insertion dans cette mégalopole à la fois excitante et extrêmement intense. Un nouvel émigré, littéralement au pied du mur, face à face avec la statue de la Liberté mais aussi confronté à une jungle urbaine incomparable. La problématique de la langue et de laprononciation n’autorisait pas l’option pour Michel de chanter lui-même, bien que son anglais fût relativement courant. Et, de plus, cette expérience était pour lui l’occasion de renouer avec une formule similaire à celle de Starmania, qui lui avait si bien réussi.
» WEA avait une division internationale dirigée par Nesuhi Ertegun, dotée d’une direction artistique, chargée de développer dans le monde des artistes provenant d’autres territoires que les États-Unis. Michel fut signé spécifiquement pour ce projet, ce qui constituait une marque de confiance très prononcée de la part de Nesuhi, très au courant du talent et des performances de Michel et de France sur le marché français. Michel m’a mis en rapport avec Julie Sayers, chargée de l’artistique de cette structure. Il tenait, en plus de ma présence, à celle de Michel Bernholc, avec lequel il avait travaillé pour Starmania, mais aussi pour les albums de Véronique, de Françoise Hardy et de France, pour l’enregistrement des bases rythmiques et orchestrales. Travailler à un album concept sur New York à Los Angeles aurait pu paraître bizarre, mais l’aspect pratique l’a emporté et nous sommes retournés à Sunset Sounds, où nous avions enregistré avec Elton John quelques mois plus tôt. Je présentai Michel à Michael Dewey, un ingénieur du son new-yorkais installé à L.A., qui avait travaillé avec Little Feat, Kiss, Moon Martin, les Motels et Buddy Miles. Le 20 janvier 1981, nous avions donc rendez-vous dans le légendaire Studio 1, celui avec la console API Bushnell et sa formidable chambre d’écho naturelle qui plaisait tant à Jim Morrison. La section rythmique que j’avais convoquée consistait d’une bonne partie du groupe Toto, qui cartonnait déjà avec “Hold The Line” : Steve Lukather à la guitare sur la plupart des titres, David Hungate à la basse, et le formidable Jeff Porcaro, le batteur des années soixante-dix et quatre-vingt, de Madonna à Michael Jackson, de Steely Dan à Pink Floyd, qui mourra à trente-huit ans, trois jours après Michel. Se rajoutait à eux l’excellent pianiste de Little Feat, Bill Payne, les guitaristes Buzz Feiten, Robben Ford et Richie Zito, que Michel avait connu sur les séances avec Elton. Bernholc s’est mis au piano et au Wurlitzer sur plusieurs titres, alors que Michel, toujours modeste dans ces cas-là, ne joue que sur deux titres : “American Island” et “Living Under the Gun”. Plus ponctuellement, j’ai également utilisé le batteur Carlos Vega, et trois autres claviéristes, Neil Larsen, Jay Windig et le plus grand pianiste de toute l’histoire du rock, celui des Rolling Stones, mais aussi des Who, des Kinks, de Jefferson Airplane et de Quicksilver, le merveilleux Nicky Hopkins, sur “Anything Can Happen Here”.
» Plus cossue était la problématique des paroliers. J’ai présenté David Batteau, qui travaillait avec Sergio Mendes, à Michel. Julie Sayers a sollicité le chanteur originel de Steely Dan, celui qui chantait leur tube “Dirty Work” avant que Donald Fagen ne s’y mette, David Palmer. J’ai contacté Ben Sidran, le pianiste initial du Steve Miller Band, chez lui à Madison, Wisconsin, pour qu’il se charge du texte street de “Anything Can Happen Here”. Les éditions Warner/Chapell ont proposé l’auteur David Brayfield pour écrire la chanson qui devait fournir le moment de recul, le regard d’un enfant au milieu de ce tumulte urbain, “Innocent Eyes”. Pour la chanter, Michel a choisi Rosanne Cash, la fille de Johnny Cash et Vivian Liberto, dont la carrière décolle tout juste avec son album Right or Wrong, mais s’envolera quelques mois plus tard avec Seven-Year Ache . Les autres interprètes sont Max Gronenthal, du groupe r’n’b de L.A. Jack Mack and the Heart Attack ; Bill Champlin, desSons of Champlin, groupe assez populaire du San Francisco des années Fillmore, en train d’être recruté par Chicago pour devenir leur nouveau chanteur
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