Quelque chose en nous de Michel Berger
formidables « You Really Got Me », « All Day and All of the Night » et de reprises du même acabit (« Bye-Bye Johnny », « Louie Louie », « Got Live If You Want It »), il chante ses deux morceaux sans demander son reste.
« C’était une époque très riche, vraiment marrante. Il y avait énormément de groupes et de musiciens, moins intéressants qu’aujourd’hui, certes, mais plus nombreux encore, dans toute la France. Tout le monde faisait de la musique, tout le monde faisait des disques. Il suffisait vraiment de savoir aligner trois accords de guitare et d’avoir une ou deux idées pour pouvoir enregistrer. » Jusqu’à l’été 1966, il va ainsi publier 7 EPs 4 titres, son premier single Pat (Alice Dona et les Missiles ont également débuté ainsi) ayant été complété après son admission sur le label La Voix de son maître par « La camomille » et le curieusement nostalgique pour son âge « Je reviens seul », sur une plage où il préfigure « Aline » de Christophe. En février 1964, il y aura « À quoi jerêve », soit toujours le Genius revisité par le yéyé, qui se distingue encore de la production ambiante toute en guitares par son jeu de piano et son sens rythmique, puis, en mai, « D’autres filles » qui se classe vingt-troisième et prolonge la recette « Hit the Road Jack » édulcorée, avec solo de guitare surf en prime, mais ridiculisée dans « Partout », et soulignée d’un solo d’orgue virevoltant sur « Pourtant ».
L’année suivante, si les oreilles de Michel sont toujours décollées (surtout la gauche) sur ses pochettes qui essaient de le présenter comme un gars cool, vêtu de pulls oversize et de chemises blanches aux cols aussi larges qu’ouverts, le propos gagne un poil en maturité avec la mise en garde biblique « Vous êtes toutes les mêmes », à l’interprétation assez bousculée. L’habile « Me débrouiller » où la véritable voix de Michel commence à poindre, sinon à s’affirmer, accuse réception du « She’s Not There » des Zombies et sera mieux accueilli par « SLC ». Il relancera quelque peu à l’été 1965 une carrière déjà vacillante. On y remarque « Tu as tous les torts », adressé à une amoureuse indélicate, mais qui pourrait aussi bien être destiné au père absent. Lequel se serait selon la légende manifesté de manière intempestive, incroyable, après des années de silence, en révélant à son plus jeune fils la sclérose en plaques dont souffre son aîné, lui intimant de conserver le secret pour lui, contrat de confiance à valeur de cadeau sacrément empoisonné – et pour le moins empoisonnant, qui hantera Michel pendant des années. De toutes parts, ceux qui l’ont fréquenté en témoignent : il avait une passion pour son frère. Mais son père lui aurait asséné sans ménagement son destin, et son fardeau : « Tu seras l’héritier. Tu n’as le droit de le dire ni à ta mère ni à ta sœur : ton frère mourra. Je ne peux pas te dire quand, mais il mourra bientôt. » Souvent répété dansplusieurs ouvrages, y compris par un certain nombre de mes récents interlocuteurs, cet appel terrible serait toutefois apocryphe.
En mars 1966, Jean Brousse absorbé par ses études (il enchaîne Maths Sup et Maths Spé), « michelberger », en attaché, et pour la première fois en pied sur la pochette devant un mur graffité, signe sous influence Dylan/Antoine les paroles comme la musique de « Jim s’est pendu » (qu’il chante chez Albert Raisner) et « Thierry » où il est accompagné par les Frelons, « HLM Blues » et « Mon jour de chance », sans effet. Un ultime essai, en juillet, arrangé par Jean-Claude Petit, ne donnera rien, malgré son excentricité nouvelle, contenue dans les titres des morceaux : l’incongru « Turlututu je vous aime », « Lola est à Dieu, elle n’est plus à toi ». « Mathusalem », un blues chargé à la John Mayall ou Bobby Blue Bland, ne serait pas loin de faire l’affaire, mais Michel, dont le timbre est maintenant clairement affirmé, n’est pas exactement Eric Burdon, ni Little Stevie Winwood, voire Johnny ou Eddy Mitchell, ce qui fragilise l’exercice. Mais, curieusement, c’est au moment où il commence à trouver sa voix que Michel réalise qu’il n’a pas trouvé sa voie. Ou sans doute s’aperçoit-il plutôt que celle-ci, au temps de Revolver (Beatles), de Pet Sounds (Beach Boys), de Aftermath (Stones), de John Mayall’s Bluesbreakers featuring
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