Quelque chose en nous de Michel Berger
Saint-Tropez » et, justement, leur adaptation de « What’d I Say » (« Est-ce que tu le sais ? »). Leur chanteur, Dick Rivers, n’a encore que seize ans. C’est précisément leur directeur artistique, Jacques Sclingand, un vieux de la vieille du métier (avant les Chats, il a travaillé avec Piaf, les Compagnons de la Chanson, Bourvil, etc.) qui a donné rendez-vousà Michel et à ses trois copains, dont un batteur providentiel. Les quatre uniques titres de leur répertoire y passent, dans un stress palpable, le look bon chic bon genre des beaux quartiers n’étant pas très prometteur pour concurrencer les blousons noirs de Vince Taylor, Johnny et les Chaussettes noires de la bande de la Trinité. Pourtant, malgré la gaucherie inhérente à l’amateurisme de ces gamins de quinze ans qui ne se sont jamais produits nulle part, le vieux pro repère l’intensité du chanteur, son implication, identifie une étincelle dans ses chansons naïves, innocentes, mais bien construites. « Je ne peux pas te dire non », déclare-t-il à ce gosse impeccable et sage en uniforme d’établissement des beaux quartiers, blazer, pantalon de flanelle et cravate comprise. S’ensuit avec Annette Haas un pacte classique de ces années-là : d’accord pour signer un contrat et faire un disque, à condition de continuer les études et d’obtenir le bac, véritable passeport vers une vie heureuse et confortable, sans lequel il n’est point de salut (pas même celui des copains !). En professionnelle du disque et du spectacle, elle négocie avec Sclingand et cosigne le contrat de son fils mineur. Lequel décide alors, contre l’avis féroce de son grand frère, de ne pas utiliser son nom patronymique, si souvent raillé dans les cours de récréation ou dans les aires de jeu du parc Monceau en raison de son sens boucher, vachard, « pommes-frites », « œuf à cheval », même si en réalité il ne signifie que « de la ville de Hambourg » et que la France ne compte alors pas le moindre McDo. Pour pseudonyme, il va comme les Beatles (mélange de beat, le rythme, et de beetles, scarabées, certes, mais aussi sobriquet appliqué aux « soutes », de Liverpool, le tout en hommage aux Crickets de Buddy Holly), comme Dylan (« océan » en gaélique, emprunté au poète gallois Dylan Thomas pour donnerune orthographe graphique à Dillon Road, chemin campagnard à l’écart de Hibbing où il fixe rendez-vous à sa petite amie Echo Helstrom), martyriser son patronyme (Ham)Burger pour lui conférer une consonance qu’il n’est – littéralement – pas allé chercher loin : la rue Georges-Berger, qui rejoint le boulevard de Courcelles à deux pas de la maison familiale, en face de la rotonde du parc Monceau. Michel Berger est né. Toute sa carrière, sa vie, il fera honneur à ce pseudonyme, cherchant à éclairer la nuit comme l’étoile homonyme, et à veiller et protéger ceux et celles qui l’entoureront, déterminé à forger une réalité à l’humanisme auquel son père n’avait pas su donner une réalité quotidienne, à rassembler son troupeau.
« Je me suis lancé dans le yéyé. On était en 1963. Mon premier disque date d’alors : j’avais quinze ans. Je faisais partie d’une collection, les disques Pat, qui faisait des essais intéressants : ils enregistraient quinze disques qui étaient tirés à deux cents exemplaires ; ceux qui étaient bien accueillis en radio devenaient alors de véritables disques, distribués commercialement. » Paru le 17 juin, ce single ne renie rien de son inspiration initiale. Si « Amour et soda », pétillements auxquels Jean Brousse adjoint twist et cinéma, catalogue les plaisirs adolescents parisiens comme Chuck Berry célébrait les voitures, les guitares, les filles et les autoroutes sillonnant l’immense géographie américaine, en revanche « Tu n’y crois pas » évoque plus directement son idole, Ray Charles, avec une partition de piano swinguante, même si vocalement ça n’est pas ça du tout et qu’une couche de twist à la française et l’adjonction de chœurs féminins kitsch frisent le ridicule.
Le succès, incroyablement, est pourtant au rendez-vous après la déception, grâce à « Salut les copains ».L’émission de Daniel Filipacchi en fait son chouchou de la semaine, diffusé en début de chaque heure et en fermeture, ce qui vaut à Michel Berger de grimper jusqu’à la dixième place de son hit-parade et d’être le sujet d’un premier
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