Quelque chose en nous de Michel Berger
grands yeux « La journée d’Isabelle », signée Berger, comme le sera ensuite le plus intéressant et swing, assez narcissique de la part de son auteur, tout de même : « Quand Michel chante ».
Dans ces années-là, d’apprentissage, l’éclectisme de ce dernier n’a d’égal que sa frustration. Pour le chef d’orchestre marseillais Franck Pourcel, compositeur de « Chariot », il signe un « Mickey » étonnant, à la voix de Donald (allez comprendre…), sous influence croisée de Gershwin et du récent Magical Mystery Tour des Beatles, occasion kitsch de premières séances à Londres. Mais depuis le succès de « Quand on est malheureux », rien ne marche vraiment, et, chez Pathé, la pression commence à se faire sentir. Persuadé qu’il peut claquer des tubes à la demande, Berger multiplie les pseudonymes et diversifie sa clientèle, infidélité qui, comme dans l’implacable logique darwinienne de la reproduction et du franchissement de la barrière génétique, s’avère gagnante. Chez Vogue, devenu Michel Hursel, il s’empare d’Yves Roze, anciengagnant du Jeu de la chance rebaptisé Jean-François Michael, et fait de son « Adieu jolie Candy » le slow de l’été 1969, entre variété à l’italienne et orgue plus baloche que d’inspiration classique liturgique comme chez Procol Harum et l’Aphrodite’s Child de Vangelis et de Demis Roussos. C’est un succès international, se vendant à plus de cinq millions d’exemplaires, donnant un statut nouveau à son compositeur, arrangeur et réalisateur.
Il en profite pour signer chez Pathé la vedette féminine de Hair , la comédie musicale qui fait fureur et scandale au théâtre de la Porte-Saint-Martin, la lumineuse Vanina Michel, qu’on admire en couverture de Mademoiselle âge tendre et, photographiée par Jean-Marie Périer, les seins nus, en statue de la liberté, New York derrière elle, dans les pages de Paris-Match . « Michel Berger fait partie des belles rencontres de ma vie. J’étais toute neuve, toute jeune. Il a produit et écrit mon premier 45 tours, “Dans la vallée de Katmandou” avec la participation de Raymond Jeannot et de Jean-Daniel Mercier. Gérard Layani était à la guitare, Michel lui avait demandé de chercher ces sonorités hindoues. Ça n’a pas été un succès, mais ça a été une belle aventure humaine, qui reste gravée en moi. J’avais interrompu mes études de médecine, et faisais une tournée de quatre mois en Amérique, organisée par le Théâtre de la Région parisienne. On jouait Les Fourberies de Scapin de Molière dans toutes les universités des États-Unis et du Canada. Moi qui avais vécu Mai-68 dans la rue, je voyais l’utopie se prolonger. La tournée se termine à New York, où je vois Hair, la première comédie musicale rock de l’histoire de Broadway. Je suis éblouie par cette pièce révolutionnaire dans tous les sens du terme : mise en scène, textes, musiques, décors, lumières, chorégraphie. Elle évoquait unejeunesse qui refusait le rêve américain et la guerre du Vietnam et qui se libérait de tous les interdits. Mais j’étais aussi fascinée de voir que les Américains avaient cette force de critiquer leur propre système, alors qu’en France on n’avait même pas été capable de parler de Mai-68, ni de la guerre d’Algérie. De retour à Paris, j’ai appelé Bertrand Castelli, qui avait monté la pièce à New York et s’apprêtait à en faire de même au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Je suis arrivée le poing levé avec mon discours de soixante-huitarde ! Et je vois en face de moi un homme qui me sourit et qui dit : “Mais ça y est, je viens de trouver ma Sheila !”. C’est ainsi que je me suis retrouvée du jour au lendemain propulsée “vedette de Hair ”. Tous les P-DG des maisons de disques m’ont alors déroulé le tapis rouge pour me proposer de signer un contrat de disques : Eddie Barclay, Claude Carrère, etc. Le seul à qui j’ai dit oui immédiatement, c’était un petit jeune homme inconnu, qui est venu me chanter quelques chansons au piano. Son talent et son originalité m’ont aussitôt séduite : Michel Berger. C’était pour moi le premier à faire swinguer la langue française. Avec lui, on quittait le style rive gauche. À l’époque, personne ne voulait de lui, car il n’avait ni le profil ni le physique appréciés du showbizz. Il avait déjà ce côté Pygmalion désireux d’écrire pour les filles, comme
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