Quelque chose en nous de Michel Berger
au George V, sur une banquette Louis XVI, Madame Sanson mère et moi, se souvient Bernard de Bosson. Je deviens péremptoire. Je leur dis : “Vous pouvez vous aimer, faire ce que vous voulez, mais vous n’avez aucune raison autre que fiscale de vous marier.” Le lendemain, Steve déboule furieux à mon bureau, m’interrompt au milieu d’une réunion où j’écoutais le groupe Zoo, que je produisais avec Philippe Rault. Très énervé, il me colle une baïonnette sous le menton, en me menaçant : Don’t you mess around with me, Jim. I’m gonna get that chick whether you like it or not. I’m gonna get my way . »
On ne plaisante pas avec Steve Stills, caractériel, incontrôlable, armé, libre, et, rappelons-le, superstar sur le point de rejoindre quelques semaines plus tard avec Véronique ses comparses Crosby, Nash et Young à Hawaii sur l’île de Mauï pour enregistrer Human Highway, mythique album avorté qui sera suivi un an plus tard d’une monumentale tournée mondiale culminant au stade de Wembley le 14 septembre 1974 avec Joni Mitchell, le Band et Jessie Colin Young en première partie.
Le mariage se déroule dans la foulée de cette altercation, le 14 mars 1973 près de Guildford, à Elstead, Surrey, en Angleterre, où se situe BrookfieldHouse, le somptueux manoir Tudor de Ringo Starr que Stills vient de racheter 100 000 livres sterling, avec sa salle de cinéma, ses cygnes, ses mares, ses pelouses parfaites, ses hêtres, son orangeraie, ses écuries, les pur-sang qu’il s’est offerts et ses portes si basses qu’on les croirait construites pour les sept nains de Blanche-Neige. Un studio d’enregistrement, aussi, où il a passé des jours et des nuits d’affilée sans sommeil à donner naissance à Stephen Stills 2 et aux morceaux du faramineux double album de Manassas, dont « Johnny’s Garden », qui chante les charmes du lieu – et de son jardinier naturaliste qui a connu les précédents propriétaires, Spencer Tracy et Peter Sellers. Graham Nash, Bill Wyman, Roger Daltrey, Keith Moon, Harry Nilsson, Marc Bolan, Marianne Faithfull, Paul McCartney, Ringo Starr, les Doors survivants, assistent à l’union de Véronique Marie-Line Sanson en tailleur-pantalon noir de velours et chemise blanche ouverte, œillet blanc à la boutonnière, et de Stephen Arthur Stills, de Dallas, en costume trois pièces de tweed, cravate, barbe hollywoodienne parfaitement taillée chez Vidal Sassoon à Sloane Square. Le maire est une femme qui, selon Véronique, « ressemble à Groucho Marx ». Plus tard, lorsqu’ils attaquent la pièce montée comme s’ils pourfendaient un ennemi, elle est en chemise de jean pâle, lui en jean et chemise beige par-dessus, hilares. « J’étais son témoin à elle, poursuit de Bosson. Une Rolls ou une Bentley, je ne sais plus, nous attend pour nous conduire à l’église. Ensuite, le père de Véronique, qui ne buvait pas que de l’eau, avait apporté des magnums de champagne, que nous sifflions pendant que le Tout-Paris arrivait. On a bu un bon coup et nous sommes revenus le soir même à Paris retrouver Michel, Jean-Marie et Anne-Marie Périer chez Franka Berger, dans cet immeuble rosedu boulevard de Courcelles, à l’angle de Malesherbes. La suite, c’est “Titou” – Christopher Stills –, mon filleul, le procès pour que Véronique en obtienne la garde et puisse le faire venir avec elle en France, ce qui m’a conduit à aller témoigner en sa faveur à Los Angeles face à l’avocate de Stills. Pourtant, quand j’ai été viré de Warner en 1987, comme vingt-sept autres dirigeants dans le monde – Ramon Lopez voulait solder l’héritage des Ertegun –, Steve m’a appelé en me remerciant de ce que j’avais fait pour Véro et pour lui : “Tu es le seul à nous avoir dit la vérité.” »
L’histoire de Michel Berger et de Véronique Sanson aurait pu s’arrêter là. En fait, elle ne faisait que commencer, et leur légende avec elle.
Seras-tu là ?
Le premier album, éponyme, de Michel Berger, paraît en mars 1973, au moment où celle qui en habite les chansons devient Véronique Stills. La pochette, conçue par Jean-Marie Périer, illustrée par Jean-Marie Hasséna de SLC , représente un énorme cœur rouge stylisé sur fond blanc, déchiré en deux par un point d’interrogation noir, chacune de ses deux parties évoquant l’un des deux visages séparés comme plus tard ceux de The Division Bell (Pink Floyd), version romantique et chagrine de
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