Quelque chose en nous de Michel Berger
est son « Comme je l’imagine » mélancolique, tout en délicatesse incantatoire, et sera repris sur la scène de la Fête de L’Humanité, quelques années plus tard, par Kim Wilde. « Message personnel » débute par un de ces coups de génie, comme Michel en fera régulièrement preuve tout au long de sa carrière. Il demande à Françoise d’écrire un long monologue introductif destiné à authentiquement personnaliser cette missive – effectivement très privée en ce qui le concerne. Elle s’en acquitte formidablement, déchargeant à son tour les difficultés de son propre mariage avec un époux distant. « Cela m’a surprise, et je n’étais pas du tout sûre d’arriver à satisfaire Michel, dont l’exigence ostensible me faisait un peu peur. C’est rétrospectivement, des années après, que j’ai réalisé, grâce à d’autres versions amputées de la partie parlée et ratant le coche de ce simple fait, à quel point l’idée avait été bonne. Je considère Michel comme un immense producteur, mais en l’occurrence, c’est le mélodiste et le créateur tout aussi immenses qu’il faut saluer. Évidemment, la partie parlée n’avait rien à voir avec Véronique ni Michel, puisqu’elle évoquait mes propres tourments sentimentaux, très différents des leurs. » Mais le courrier est bien reçu. « C’est Françoise qui chantait, c’est Michel qui parlait. J’étais destinataire. Rien n’avait changé », racontera Véronique à Jean-François Brieu. « Message personnel » sera leur « You’ve Got a Friend », qui chroniquait semblablement la relationcontrariée entre Carole King (son auteur et première interprète) et James Taylor (qui en fera un tube et un classique en 1971). Il en deviendra l’équivalent, avec son irrésistible et poignant « Si tu crois un jour que tu m’aimes » soulevé par une mélodie inouïe. Michel possède déjà cette qualité particulière de se fondre dans le style de ceux pour lesquels il compose, sans rien perdre, ni renier, du sien propre. « C’est un coup de bol, relativisait-il. Ça aurait pu ne pas marcher. Après tout, je n’ai fait que deux chansons pour l’album de Françoise. »
Les séances seront difficiles pour elle. Elle tient à rentrer chaque soir s’occuper de Thomas, ce qui est tout à son honneur, mais cela a le don d’irriter Michel, extrêmement perfectionniste, qui prend parfois ses scrupules de jeune maman pour du caprice de star trop facilement satisfaite. Comme, par ailleurs, leurs natures diffèrent, Michel impatient et Françoise aimant prendre son temps, n’appréciant guère de se sentir bousculée, l’atmosphère devient souvent électrique. « Il n’était pas facile dans le travail, rappelle Françoise. Exigeant, autoritaire, pas toujours patient. J’aurais aimé qu’il réalise que je ne venais pas du même milieu que lui, n’avais aucune culture musicale et étais même assez handicapée sur le plan rythmique. Il ne me faisait pas travailler avant les séances et quand j’arrivais en studio après avoir aussi laborieusement que consciencieusement appris ses chansons dans mon coin, il s’attendait à ce que je chante d’emblée avec son phrasé, ce qui était si inhabituel pour moi que je n’y arrivais pas toujours. » Michel a fait appel à son équipe fidèle, Claude Engel et le Système Crapoutchick, et réussit un nouvel effet immédiatement payant en suspendant le « mais si… » final pour laisser place à une sortie orchestrale à laKing Crimson période Ian McDonald – Françoise en enregistrera d’ailleurs une rare version en anglais.
« Message personnel » relancera spectaculairement la carrière de Françoise, un instant ralentie, même si Michel et elle ne collaboreront plus ensuite que sur un unique 45 tours, l’élégiaque « Je suis moi », qui ne connaîtra pas le succès mérité, ce qui n’étonne pas Françoise plus que ça. « La mélodie est formidable, mais pas le texte, encore moins le titre, que je trouvais stupide. J’ai insisté pour que Michel modifie tout ça, mais il ne l’a pas fait. C’est normal qu’une chanson avec un texte aussi faible et frisant à ce point le ridicule soit oubliée. » S’ils conserveront une relation épistolaire soutenue et de longue durée, en revanche, ils ne retravailleront plus ensemble, à l’exception de la participation de Françoise au conte musical télévisé Émilie ou la petite sirène 76 . « Elle est trop casse-couilles
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