Quelque chose en nous de Michel Berger
n’y a pas eu en France grand monde avant lui qui a eu cette approche structurée, classique, de la musique pop », souligne Pierre Lescure, dont Berger a composé les jingles nominatifs pour Europe. « J’aitoujours su ce que je voulais faire. Je n’aurais pas pu faire autre chose, de toute manière. Mon problème était que j’aurais voulu que ça marche et que justement, ça ne marchait pas », se souvenait Michel avec bonne humeur. À ce stade, en effet, le soutien médiatique est tout ce qu’il y a de minimal. Seule Europe 1 le diffuse régulièrement, qui le soutiendra toujours, via René Cleitman, Christian Geldreich, Claude Brunet, Jean-Lou Lafont, Mychèle, Yves et Jean-Pierre Abraham notamment. À RTL, toutefois, Georges Lang est fan. Dès les débuts de ses « Nocturnes », il enchaîne fréquemment les chansons de Michel et celles d’Elton John. Un jour que Berger est en rendez-vous dans le bureau de Monique Le Marcis, qui dirige la programmation musicale, il demande à le rencontrer, initiant une relation qui durera toute la décennie.
La musique de Michel ne tombera toutefois pas dans l’oreille de chanteuses sourdes. Non seulement France Gall sera stupéfaite en entendant « Attends-moi » à la radio tout en épluchant ses carottes (ou au volant de son Austin, selon les versions) et en changera de destin, mais Françoise Hardy, elle aussi, sera instantanément séduite. « Je connaissais juste le premier album de Véronique Sanson et peut-être aussi son premier album à lui – j’ai écouté les deux albums un nombre incalculable de fois. En tout cas, j’étais consciente de son grand talent qui m’impressionnait au point que je n’aurais jamais osé aller vers lui de mon propre chef. C’est Jean-Marie Périer qui, pensant que je risquais de me fourvoyer en signant chez Claude François, m’avait amené Michel. Quand il a fait le nécessaire pour me le présenter, c’est leur couple qui est arrivé chez moi. Ils étaient aussi beaux et pleins de grâce l’un que l’autre, ainsi que parfaitement assortis. Une vision de rêve ! Mais Véroniquedevait disparaître de la vie de Michel peu après et je ne les ai jamais revus ensemble par la suite. Je peux dire que j’ai été témoin de l’inconsolable chagrin qui a été le sien quand il a perdu Véronique. Un après-midi que j’avais rendez-vous chez Michel qui habitait non loin du parc Monceau, il écoutait l’album de Véronique tellement fort qu’on l’entendait du porche de l’immeuble. » Comme s’il cherchait à y décoder un signe, y trouver, sinon un espoir, au moins une consolation, voire une explication. Françoise, elle, se souvient aujourd’hui de ce qui la fascinait autant dans ces albums. « La qualité musicale des mélodies, de la production, du chant. Les chansons étaient aussi rythmiques que mélodiques, ce qui était déjà une originalité en soi. Tout était original, en fait. Le timbre de la voix et le phrasé de Véronique étaient totalement nouveaux. Le dépouillement, l’aération, l’efficacité des orchestrations aussi. Par exemple, pour la première fois, j’entendais enfin dans un album français des tapis de cordes non pervertis par d’autres instruments, tels que des flûtes. » Jean-Marie Périer confirme, comme souvent, son rôle d’entremetteur de sa génération. « J’aimais tendrement Claude, mais il a complètement changé quand il s’est pris pour Daniel Filipacchi et a voulu devenir homme d’affaires, même si c’est moi qui ai dessiné le logo des Disques Flèche, avec cette brisure qui pouvait pointer vers le bas si ça ne marchait pas. Françoise était très influençable et je craignais qu’elle n’y soit traitée de manière très populaire, plutôt que comme une artiste. Même si je n’étais pas absolument fan de Michel – ça n’était pas les Rolling Stones, quand même – et qu’il ne faisait pas partie de ma bande, Johnny, Sylvie, Dutronc, Françoise, Claude, les Beatles, les Stones, ce qu’il faisait était d’une autre classe. Même si, foncièrement, c’était un mec triste, pas marrant. »
Le 16 juin 1973, Françoise donne naissance à Thomas Dutronc et, fin juillet, se retrouve sous la direction de Michel au Poste Parisien, studio d’enregistrement de la galerie du Lido, sur les Champs-Élysées. Entre-temps, Michel a obtenu qu’elle signe chez Filipacchi et n’a accepté d’écrire et de réaliser que deux chansons. « Première rencontre »
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