Quelque chose en nous de Michel Berger

blanc de la rue de Prony, a reconnu en elle la rédemption dont Michel avait besoin. « Quand on a su que Véro était avec Stills, France l’a travaillé au corps pour qu’il écrive pour elle. Il me disait : “Jamais, tu te rends compte, une fille qui a chanté des trucs pareils !” Surtout “Sacré Charlemagne”. Il détestait cette chanson. »
    Mais France est déterminée. Elle a aimé le premier album de chansons de Michel et cherche une identité adulte, pour les années soixante-dix, loin des banalités de petite fille lollipop SLC en minijupe que son père Robert Gall (parolier pour Piaf et Aznavour) et Gainsbourg lui ont imposées. Elle est convaincue que c’est cette sensibilité-là, ces mots-là, ces lignes mélodiques, ces rythmes-là qui lui conviennent, qui correspondent à ce qu’elle est, qui elle aimerait être, qui elle veut devenir. Deux ans plus tôt, elle ne s’est pas sentie capable de chanter les morceaux de Véronique que Michel lui proposait. Mais elle veut maintenant que lui, Michel Berger, écrive pour elle. Qu’il la définisse. Lorsqu’ils se croisent de nouveau, au studio Pyramide d’Europe 1 pour l’émission « 5, 6, 7 » de Jacques Ourévitch que réalise Marie-France Brière, elle le sollicite. Il n’est pas chaud, trouve le « Bébé requin » trop éloigné du grand large auquel il aspire. Mais est rapidement séduit par le mètre soixante de cette très jolie blonde piquante, son péché mignon, et lui donne rendez-vous chez lui, rue de Prony, dans cet appartement désolé où elle lui fait livrerdes petits déjeuners croissants de chez Fauchon. Il déteste les chansons qui lui sont destinées et qu’elle lui fait écouter, mais se laisse gagner par ses yeux noisette, son sourire irrésistible et le charme de sa personnalité vive, pimpante, drôle, désarmante. Et, au fond de lui, il n’a sans doute jamais oublié les propos de Gainsbourg chez Denise Glaser, quelques années plus tôt : « Chaque fois que je fais un disque, j’en vends dix mille. Quand j’en fais pour France Gall, j’en vends un million ! »
    France vit encore avenue Victor-Hugo avec ses parents, ses frères et Julien Clerc, dont la carrière est au zénith, enquillant tube sur tube depuis « La cavalerie » et « Laisse entrer le soleil », en passant par « Ivanovitch », « Si tu reviens », « La Californie », « Ce n’est rien » et « Si on chantait ». Comme il s’en souvient pour Paris-Match en novembre 2011, ils se sont connus en décembre 1969, à l’époque où il est tous les soirs Claude, la vedette de Hair, au théâtre de la Porte-Saint-Martin : « Elle venait me chercher à la sortie du spectacle avec sa Porsche… Nous étions deux personnes connues du même âge. Salut les copains nous a pris en main et nous avons fait quelques sujets charme, dont un voyage à Marrakech. J’étais très proche de sa famille. J’aimais beaucoup ses frères, ses parents. » Au point qu’il acquiert une propriété en Bourgogne proche de celle des parents de France, la Métairie Bruyère, à côté de Parly, dans l’Yonne (aujourd’hui centre d’art graphique réputé). Avec son parolier fétiche Étienne Roda-Gil, il lui a écrit l’enfantin « Chasse-neige », sans que cela ne permette à France de réactiver une carrière girouette d’ex-fan des sixties paumée dans les matures seventies.
    Avant Julien, elle a fréquenté Philippe Debarge, milliardaire héritier d’un empire pharmaceutique, qui possède une péniche sur les quais à Paris, l’Épi-Plageà Pampelonne, et fait la fête place des Lices à Saint-Tropez avec ses frères et les sœurs Haas, Christine et Babette, à la tête des « Cacas, l’équipe qui merdoie » et remporte les courses de vélo organisées par Jean-Marie Rivière avant de défiler en vieux tacot devant le café des Arts. Debarge est aujourd’hui connu pour l’album psychédélique qu’il s’était offert en septembre 1969 à Londres avec les Pretty Things (entre S.F. Sorrow et Parachutes ), finalement publié quarante ans plus tard, avant qu’il ne forme à Biarritz Il Barritz avec Wally Waller, leur bassiste, groupe avec lequel il se produira à l’Olympia en première partie des Sparks mais aussi au fameux festival punk de Mont-de-Marsan. Les Pretty Things d’origine lui ont récemment rendu hommage dans « Monsieur Rock (Ballad of Philippe) ».
    Auparavant, France Gall fut la compagne de Claude François, qui ne s’est pas toujours