Quelque chose en nous de Michel Berger
un costume de cirque bleu pervenche et une chemise blanche col pelle-à-tarte assorti à ceux de sa compagne, souriant et swinguant ensemble sur un piano recouvert de strass : un monument kitsch. Ce sera un très gros succès, mais il faudra attendre seize ans pour qu’ils se produisent à nouveau en duo.
De manière générale, ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter de devenir les nouveaux Johnny et Sylvie, Sheila et Ringo ou Stone et Charden de la presse qu’on ne dit pas encore people. « C’est ce que nous serions devenus si nous avions cédé aux pressions multiples que nous avons subies : faire debelles couvertures pour Jours de France, faire l’Olympia ensemble. Nous avons toujours refusé d’entrer dans ce jeu. Réfléchis bien, tu n’as jamais vu de photos posées de nous ensemble. »
Le reste du casting est ambitieux, quoique d’époque. Eddy Mitchell est le premier en piste, administrant sa « Leçon de rock’n’roll », pas complètement à l’aise dans cette parodie où il doit aussi « faire Zitrone ». France Gall tient d’évidence la vedette, toute en blondeur dans le rôle d’Émilie, cool comme une wannabe américaine sortie de Fame . Christophe, en blouson tutti frutti et moustache en guidon de moto, est son père, qui vante les « Couleurs » de la vie. Michel, « le producteur », s’agite beaucoup au piano, sur lequel est juchée la comédienne de Claude Zidi et de Jean Giraud, Martine Kelly, « productrice » fumant le cigare. Apparaît ensuite un Rod Stewart incroyable de campitude dans son ensemble de satin violet, chemise blanche aux manches retroussées et col très ouvert, transformé par les effets psychédéliques irradiants de la réalisatrice Marion Sarraut et se pavanant sur le play-back de son hymne mondial « Sailing ». Le comédien et futur réalisateur Patrick Bouchitey tient lui le rôle de Sébastien, caméraman casqué, que se disputent la star et l’aspirante. Il donne ainsi successivement la réplique à France (« C’est si joli un homme qui aime l’amour », un de ces aphorismes dont Berger se fera la spécialité) et à Françoise Hardy (la Star), toute en jean et en maigreur absolue. Elle chante seule sa « Chanson pour quelqu’un », sans doute le titre le plus satisfaisant du lot, et conserve un excellent souvenir de l’aventure, regrettant les arcanes juridiques qui en ont interdit l’édition discographique (il en existe toutefois un DVD). Nicole Croisille complète la troupe, en diva à la Shampoo avant l’heure, toute en strass crustacéet perruque barbe à papa afro d’un rose provocant qui soulignent le bleu de ses yeux.
Le show se termine par « Suis ta musique où elle va » (Michel seul au piano) et « C’est notre show », collégiale autour de France/Émilie, qui se conclut par la collision de deux pensées a priori paradoxales mais à l’enchaînement fataliste : « J’ai gagné la queue du Mickey » et « Ça passe trop vite, c’est comme la vie »…
Un mois plus tard, malgré les réticences de sa grande bourgeoise de mère, inquiète de le voir se marier avec une fille aussi bohème, Michel épouse Isabelle Geneviève Marie Anne Gall, de six semaines son aînée, à la mairie du seizième arrondissement, avenue Henri-Martin. Marc Kraftchik : « France lui a apporté un grand sourire. Ils ont eu tous les deux des grandes périodes de grand bonheur, mais c’était un tourmenté. Il gambergeait beaucoup. » Et le gouffre social restera culturel, malgré le succès, malgré la fortune. « Quand on allait dîner chez France les mercredis, Michel descendait et partait dîner chez sa mère de son côté, puis revenait nous rejoindre, raconte Serge Pérathoner. Ça a toujours été compliqué entre les familles. Les Hamburger n’aimaient pas France. Ils l’appelaient “la saltimbanque”, “la chanteuse”. C’était une fille d’artistes, pour eux, c’était la caravane, la roulotte. C’était chaud entre eux et ça l’est toujours. »
« Je suis le chef de famille au piano, affirme Michel à la télévision à une question de Philippe Bouvard.
— Le reste du temps, c’est moi », lui répond France du tac au tac, avec la vivacité qui la caractérise.
Le voyage de noces, cet été-là, les ramène en Amérique. New York, Los Angeles, San Francisco, où leur attaché de presse commun, Grégoire Colard, leur fait découvrir la première discothèque gaygéante, le End-up, South of Market Street au
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