Quelque chose en nous de Michel Berger
des mots. »
Dans les chœurs, et l’ad-lib de la fin, on entend distinctement la voix de Graziella Madrigal, concertiste d’origine espagnole dont je produis à la même époque dans le même studio Gang de Claude Putterflam face à la gare d’Austerlitz en bas du boulevard de l’Hôpital l’album Traces chez Philips, et avec laquelle j’occupe à Châteaufort le domaine des Rosiers où nous succédons à Claude Engel et Anne Vassiliu (dont nous récupérons aussi chiens, chats et au-pair américaine).
C’est la principale raison pour laquelle elle ne fait pas partie des sept musiciennes, trois choristes (plus un quatuor à cordes), qui accompagnent France du 14 au 20 avril sur la scène du théâtre des Champs-Élysées où celle-ci avait passé sa première audition quinze ans plus tôt. À cet aréopage exclusivement féminin – longtemps avant Prince – recruté à Londres et en Amérique, elle ajoute pour ce made in France , en guise d’entracte, un intermède assez incongru du duo de travestis brésiliens les Étoiles, assez peu du goût de son public, repoussé par leur aspect très cabaret. À cette intolérance près, le spectacle est un succès. « J’avais vraiment peur, surtout à cause de mes souvenirs, mais Michel m’a poussée », se souvient-elle pour Platine . France assure, chante, danse, de son inimitable façon saccadée, un peu mécanique, sautillant tout en fermant ses poings qui frappent l’air sur lestemps forts et secouant rageusement sa tête blonde. Même si elle se retient. Peu avant d’attaquer les répétitions, elle a découvert qu’elle était enceinte, elle qui rêvait depuis son adolescence d’avoir trois enfants (Michel le lui fait chanter dans « Une femme, tu sais »). Elle a longtemps espéré y parvenir, a craint de ne jamais en connaître la joie, et tout en aidant Michel à réussir son propre accouchement, celui de Starmania , elle breake un peu, jusqu’au 14 novembre, où elle met au monde à Neuilly leur fille Pauline Isabelle Hamburger.
Alors qu’à l’origine il ne devait caster pour son opéra rock que des inconnus du grand public français, en dernière minute Michel embarque quand même France dans l’aventure. Elle y tient le rôle essentiel de Cristal, chantant notamment son « Besoin d’amour », « Monopolis » et, en duo avec Daniel Balavoine, « Quand on n’a plus rien à perdre ». Tous les soirs, à partir du 14 avril 1979, elle est ainsi sur la scène du Palais des Congrès la star de la troupe, ce qui ne va pas sans créer quelques jalousies.
Ça n’est pas l’album suivant, Paris, France , qui va ralentir son ascension. « “Il jouait du piano debout”, c’est génial, c’est une formule qui résume totalement la rock culture », s’enthousiasme Philippe Labro à propos du nouveau tube que compose Michel Berger à partir d’une vision. « Je me souviens très bien de l’image de Jerry Lee Lewis debout au piano. J’avais trouvé ça extraordinaire, plein d’une énorme énergie. Ça n’est que deux ans et demi plus tard que j’ai écrit “Il jouait du piano debout” », expliquait Michel, furieux que cet hommage au Killer de Ferryday, Louisiane, tellement éloigné de lui en tout que c’en est cosmique, passe pour un simple coup de chapeau à Elton John. Rien dans le morceau n’évoque, de près ni de loin, la furie démente de « Great Balls of Fire », « WholeLotta Shakin’ Goin’ On », « Breathless » ou « High School Confidential », pas plus que la ferveur country ou gospel de ce white trash dingo aussi inimitable qu’irremplaçable – et dangereux. Mais pour le grand public, il en excipe l’essence, la singularité, la rébellion aux conventions sociales, son opposition.
France est à nouveau numéro un tout l’été 1980, succès familial tel qu’il obère un peu le restant de l’album, à l’exception de « Bébé comme la vie ». Il contient pourtant également les étonnants « La chanteuse qui a tout donné », « La mort douce », et surtout « Plus haut », surprenant exercice de mégalomanie de la part de son (h)auteur, que France adore particulièrement. Avec sa voix acidulée, son phrasé précieux aux dernières syllabes allongées, son timing impeccable, sa justesse à tous points de vue, son passé de Baby Doll réformée, France Gall est à maturité, la star des années quatre-vingt à venir.
Parmi les vacanciers sur la Côte d’Azur qui entendent « Il jouait du piano debout »
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