Quelque chose en nous de Michel Berger
et « La groupie du pianiste » à la radio toute la journée, se trouve celui auquel on peut croire les deux chansons destinées : Reginald Dwight, alias Elton John. Il a constitué l’une des influences majeures de Michel, qui lui a dédié son album Beauséjour – et de Véronique. Sur son label discographique Rocket, il a produit une adaptation anglaise d’« Amoureuse » par sa protégée, Kiki Dee, qui se classe numéro treize dans les charts anglais en novembre 1973 (Patti Dalhstrom, Helen Reddy, Olivia Newton-John, Shirley Bassey, s’y essaieront aussi). Intense amateur de musique, avide collectionneur de disques (entre 1994 et 1997, lorsque je dirigeais Mercury, il me laissait régulièrement des notes de 25 000 francs – plus de 3 800 euros – en une seule descente au Virgin Megastore des Champs-Élysées), Elton ne laisse jamais passer la moindre occasiond’étendre ses connaissances et le revendique. « Déjà quand j’étais gamin, je passais des heures à regarder tourner les microsillons sur la platine familiale, à apprendre à reconnaître les labels mythiques, Sun, Atlantic, Stax, Motown, et à déchiffrer les indications figurant sur les pochettes. Ça ne m’est jamais passé. J’achète toujours autant de disques. J’ai même travaillé à Musicland, un magasin indépendant au 44 Berwick Street, à Soho, rien que pour pouvoir écouter au casque avec Bernie Taupin, allongés par terre entre deux clients, les albums des Beatles, de Dylan, de Hendrix, de Joni Mitchell, de Soft Machine, de Captain Beefheart, de Jefferson Airplane, de Laura Nyro. De toutes mes addictions, c’est la plus saine, et la plus productive. Je collectionne tout : les disques, les livres, les tableaux, les fringues, ce doit être une maladie. Je passais une grande partie du printemps et de l’été 1980 entre Saint-Tropez et ma suite du Négresco, à Nice. J’entendais sans cesse les chansons de France Gall, que j’adorais, à la radio. Je me suis procuré ses albums, et je les ai écoutés en boucle pendant toute cette période. »
Elton tient à rencontrer ce couple qui le fascine et, pourquoi pas, collaborer avec lui pour finir de conquérir le dernier marché à lui résister encore et faire ombre à son hégémonie de rock star planétaire, la France, où il passe tellement de temps, entre la Côte d’Azur et le Honky Château d’Hérouville, en banlieue parisienne, où il a enregistré quatre de ses albums majeurs. La rencontre a lieu dans la villa du Cap d’Eddie Barclay à Camarat, sur la presqu’île de Saint-Tropez, lors de sa fameuse Fête blanche annuelle de juillet. Elton et Michel se succèdent au piano, et se donnent rendez-vous le lendemain pour planifier avec John Reid, manager de la superstar anglaise, les différentes étapes à venir : enregistrement d’unsingle, d’un album composé par Michel avec des paroles bilingues de Michel et de Bernie Taupin, puis tournée française commune France Gall/Elton John. Rendez-vous est donné à Los Angeles fin août : Elton doit y répéter pour une nouvelle tournée américaine.
Même si c’est Michel qui produit à travers sa société Colline, Bernard de Bosson est aux commandes. « Jean-François Favard m’appelle le 12 juillet en vacances à Los Angeles où j’avais emmené Françoise et les enfants au Westwood Marquis. “Elton John veut faire un disque avec France Gall !” Il avait entendu “Il jouait du piano debout”. “Je veux que ce soit Michel qui fasse les chansons et la production”, a-t-il décidé. Il y avait une fille chez Warner à Burbank chargée d’organiser les séances pour les étrangers, mais elle était partie au Brésil avec un amoureux. Nous sommes mi-juillet. Elton n’a que peu de disponibilités au mois d’août avant de repartir sur la route. Je confie donc la supervision de l’affaire à Philippe Rault, vieux complice de l’époque Barclay, qui habite Los Angeles après avoir vécu longtemps à La Nouvelle-Orléans. À mon retour de L.A., le 24 juillet, on se retrouve à New York pour le dîner d’anniversaire de Thierry Le Luron dans un restaurant italien. Michel reste méfiant de Philippe, qu’il ne connaît pas. Je demande à ce dernier d’aller les chercher à LAX et appelle Michel. Je balisais. “C’est bien, il a l’air très bien, ça s’est bien passé.” Ouf ! Mais Michel conservait toujours la petite réserve qui lui permettait de gueuler un petit peu. Malheureusement et heureusement,
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