Quelque chose en nous de Michel Berger
coup, arrivent les chansons de Michel, chantées par France, puis plus tard par France et par lui, et t’as des salles entières qui chantent. Il arrête le piano, bat la mesure avec ses mains, il continue, il reprend juste quelques notes de piano… Et en plus, avec lui, ça ne rigole pas, il faut que ça soit en rythme. C’est ça qui est magnifique. Il faisait cette tronche qui disait : “Déconne pas, putain, c’est ma musique.” Mais c’est le premier qui fait ça en France. » « Ça balance pas mal à Paris », en somme, titre que Pierre utilisera pour l’émission qu’il présentera, bien plus tard, sur Paris-Première. Certains soirs, France est rejointe sur scène par des proches, comme Daniel Balavoine. Mais pas seulement, comme le raconte Bernard de Bosson. « Le dernier soir, l’orchestre attaque “Donner pour donner”. Michel devait entrer pour la chanter avec elle commechaque soir. Mais là, on entend tout un remue-ménage derrière, et c’est Elton qui entre sur scène. Elle était verte. »
Tout pour la musique se vend à près d’un million d’exemplaires, succès exponentiel pour le couple. Leur amie Christine Haas, future astrologue de RTL et de TV Magazine, rivale de France auprès de Philippe Debarge, sa voisine avenue Victor-Hugo puis fréquente visiteuse de son premier deux-pièces solo avant installation avec Michel, en trace un tableau idyllique. « Au début des années quatre-vingt, je passe des week-ends chez eux à Honfleur, dans cette maison sur le versant avec vue magnifique sur Le Havre que Bernard Hamburger, architecte, avait construite spectaculairement en reliant l’habitation à une cabane par une longue baie vitrée pour contourner l’interdiction de construire. Michel, dont c’était la maison préférée, est assis à son piano blanc dans le salon, France répond à ses fans ou peint ses jolies aquarelles. » Christine est à l’étage, travaillant sur son roman et veillant sur sa fille Zoé. « Ils ont été de merveilleux amis, pleins de sollicitude et toujours présents dans les moments difficiles. Ils ont aussi été mes premiers lecteurs et mes premiers critiques, très pertinents. Ils m’ont encouragé et sans eux je n’aurais peut-être jamais envoyé mon manuscrit aux éditeurs. »
L’album suivant, deux ans plus tard, est d’autant plus attendu qu’entre-temps sont nées de la libération des ondes de très nombreuses nouvelles stations de radio, pour la plupart exclusivement musicales. France triomphe à nouveau et remporte le plus gros succès de sa carrière alors même qu’elle chante l’impératif lâcher prise (à tous les sens) qui devrait le plus les effrayer au monde : « Débranche ». L’album du même nom paraît en avril 1984, avec cette photo lumineuse de Bettina Rheims, France blonde radieusesur fond bleu piscine. Il a été enregistré en deux parties. À Gang toujours, où Kamil Rustam a succédé à Engel à la guitare, et à Los Angeles, où Michel a de nouveau fait appel à Philippe Rault pour l’organisation. « Hong Kong Star » leur offre un nouveau numéro un RTL, souvenir de clones karaoké rencontrés lors d’un long voyage en Asie du Sud-Est, qui choquera la communauté chinoise de Paris, étonnée de cette vision critique, assez ethnocentrée jusque dans sa justesse, il est vrai. Le troisième tube de l’album, « Cézanne peint », vaudra enfin à Michel la reconnaissance du monde culturel, jusque-là condescendant vis-à-vis de ses chansonnettes pop aux paroles trop simples, directes, qui se contentent de sonner et de toucher sans jamais atteindre les cimes poétiques où ont été placés Brassens, Brel, Ferré, Barbara et Ferrat. Bernard-Henry Lévy demande à France de la chanter pour son « Grand échiquier ». Françoise Giroud se fend d’une confession laudative dans Le Nouvel Observateur . Lescure en est encore ému : « J’ai été saisi la première fois que j’ai entendu “Cézanne peint”. Je lui avais dit : “Ça y est, tu es dans la littérature.” Jamais on n’avait fait un aussi beau texte sur un tableau. » C’est au cours d’un séjour près d’Aix-en-Provence, face à la montagne Sainte-Victoire, que Michel a composé cet hommage à son peintre préféré, qui lui confère finalement ses lettres de noblesse. Au journal d’Henri Sannier, France confie qu’il s’agit de la « chanson la plus importante de sa carrière », celle qui lui a permis de convaincre des gens qui ne
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