Quelque chose en nous de Michel Berger
médicaments, en Afrique. Michel et France se rendent au Mali, participent à l’enregistrement de la chanson « SOS Éthiopie » à l’initiative de Valérie Lagrange et de l’association du même nom dont la femme de Renaud est la directrice et Francis Cabrel le trésorier, rare occasion de côtoyer leurs ex respectifs, Véronique Sanson et Julien Clerc. Ils chantent ensuite le 13 octobre 1985 au Parc de La Courneuve avec une quarantaine d’autres artistes, pour le concert correspondant retransmis conjointement sur RTL et Europe 1. Je le commente tout l’après-midi, interviewe en direct mon voisin de bureau, Coluche, qui vient de lancer quelques jours plus tôt ses Restos du cœur, Michel, Daniel, Jeanne Mas, Patrick Bruel, Johnny, etc. Venu le journal de dix-huit heures, j’interroge France, qui y fait scandale en fustigeant l’amateurisme de l’organisation qui n’a réussi qu’à réunir quinze mille personnes sur le site habituel de la Fête de L’Humanité, alors qu’il aurait fallu, « pour bien faire et remplir, organiser des trains et des autocars depuis la province ». Elle a parfaitement raison, on est loin de Live Aid, même si cela fait, sur le moment, grincer quelques dents carnassières. Un pow-wow a lieu à l’issue de la manifestation. Yves Simon en est. « Après le concert, Jean-Jacques Goldman, Daniel et Coco Balavoine, Pascale Rocard et moi, sommes allés dîner chez France et Michel. C’est la dernière foisque j’ai vu Balavoine. Il caressait le ventre de Coco, enceinte, en disant : “Y a de la vie là-dedans.” »
Et Daniel est mort. Il est mort en mission pour Action Écoles, dont il était devenu un zélote absolu. Michel apprend la nouvelle alors qu’il présente une émission sur Radio Monte-Carlo, où France le rejoint auprès de leur amie Yvonne Lebrun, qui attend la fin du direct, à midi, pour confirmer la nouvelle. Michel est blanc, ne dit rien. Encaisse. « On dit toujours qu’on n’arrive pas à y croire, mais c’est vrai. Daniel était l’image même de la combativité. » Rien ne sera, ne pourra jamais plus être, comme avant, comme Michel l’écrit, et France le chante, dans « Évidemment », un bijou de mélodie et d’émotion pure, non feinte, un autre « Seras-tu là ? » en forme de requiem et de chant de ralliement pour tous ceux qui ont perdu quelque chose d’eux-mêmes ce jour-là ou un autre. « Redemption Song ».
Qui pose toutefois problème aux musiciens qui doivent l’enregistrer, comme l’explique Janik Top. « C’est exactement la même grille d’accords que “Quelque chose de Tennessee”. On a dû s’y reprendre à trois fois pour France, parce que, chaque fois, je l’abordais de la même façon, avec l’idée d’Hallyday. Il ne comprenait pas pourquoi on ne trouvait pas. Je lui ai dit : “Mais Michel, c’est la même chanson.” Mais lui répondait : “Pas du tout, ça n’est pas la même chanson, regarde.” Et effectivement, il nous chantait autre chose : “Évidemment”. Pour lui, il n’y avait que la mélodie qui comptait, et ce n’était en effet pas la même mélodie. Peu lui importait que ce soient les mêmes accords. Et pourtant, Dieu sait si c’est important, la suite harmonique par rapport à la mélodie. Pour lui, ça n’était pas pareil. C’est là que j’ai compris qu’il fallait partir ailleurs complètement, des bruits de synthés, des ambiances assez caverneuses,ce qui a donné effectivement une chanson complètement différente. Si on l’avait jouée en groupe, on serait retombé sur “Tennessee”. Mais il avait cette unité extraordinaire dans son travail, cette constance. Michel a été sans doute la personne la plus constante que j’aie rencontrée. »
Daniel, sa grande gueule, son cœur tout aussi puissant et sa formidable énergie étaient partis sur le Paris-Dakar suivre l’acheminement de pompes à eau au Mali, parfait exemple de ce qu’Action Écoles cherchait à initier (des mini-projets de développement durable liés le plus souvent à l’agriculture). France et Michel s’intéressent plus fortement encore à l’Afrique et elle, en particulier, se découvre une véritable passion pour le continent, le Sénégal. Elle assiste au colloque international contre la faim à Dakar. On connaît par cœur l’histoire de Babacar, cet enfant de deux mois que lui tend et lui offre une Fatou de dix-huit ans dans la brousse où Richard Berry et France se sont arrêtés en bord de route
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