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Quelque chose en nous de Michel Berger

Quelque chose en nous de Michel Berger

Titel: Quelque chose en nous de Michel Berger Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Yves Bigot
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La joute des étoiles », « La marche nuptiale des condamnés à mort ». Fils d’un maquignon du Québec rural, Luc est leur aîné de cinq ans, a été élevé au séminaire puis chez les jésuites avant d’intégrer l’université de Montréal et de parcourir le monde, mi-hippie, mi-étudiant, vivant successivement au Mexique, à Paris (il s’inscrit en histoire de l’art à l’École du Louvre), en Allemagne, à Prague, en Italie, au Maroc, en Inde, à New York et à San Francisco, avant de revenir à Montréal, dix dollars (canadiens) en poche à l’été 1970, et d’écrire avec son ami le pianiste André Gagnon son premier tube, « Les chemins de l’été », pour Steve Fiset. Il devient alors l’auteur attitré des chanteuses québécoises Renée Claude et Diane Dufresne, qui triomphe à nouveau en 1975 avec sa « Chanson pour Elvis ». Jusqu’à cet appel nocturne de Michel Berger, fâché avec les fuseaux horaires, qui le réveille en lui annonçant : « Bonjour, je suis Michel Berger, je veux écrire un opéra rock avec vous. » Plamondon est épaté par la coïncidence. « C’est lui qui m’a téléphoné pour medire qu’il voulait faire un opéra rock avec moi, alors que j’avais justement envie de faire un opéra rock de mon côté à Montréal. »
    Et Michel de sauter aussitôt dans un avion pour Montréal et de débarquer à Mirabelle, harnaché par France pour affronter un froid polaire – en plein été indien. Il veut ranimer l’histoire de Patti Hearst qu’il avait transformée en Angelina Dumas . « C’est un sujet formidable. » Plamondon l’en dissuade, cherchant des thèmes plus universels, opposant le retour à la nature hippie à la violence urbaine punk, l’humanisme à l’affairisme et le terrorisme au totalitarisme, sur fond de romantisme rock et d’univers futuriste de bande dessinée à la Moebius ou Guy Pellaert.
    Une fois de plus, Michel va faire preuve de cette fulgurance visionnaire qui fait toute la différence. Lorsque Luc lui dévoile ses premiers efforts à Honfleur, il les écarte aussitôt. « J’avais trouvé “Seul, je marche seul, je cherche le soleil”. Il m’a dit : “Ça, un Français l’aurait fait.” » Humilié, Luc, dont le dilettantisme irrite Michel, beaucoup plus laborieux, va lâcher ce que seul un Québécois était susceptible d’inventer : « Stone, le monde est stone ». Expression incorrecte dans toutes les langues humaines (en anglais, il faudrait que ce soit « stoned »), ou maladroite (« Le monde est pierre »). Mais que tout le monde comprend intuitivement comme signifiant tout à la fois « dur, le monde est dur » et « fou, le monde est fou », mais s’il a perdu la boule, c’est parce qu’il est « défoncé », « étourdi », ce qui n’a pas toujours que des inconvénients, comme le revendiquait Bob Dylan dans le refrain de ses « Rainy Day Women # 12 & 35 » : puisque tout le monde en prend plein la gueule et qu’on ne peut rien faire sans que les autres ne s’en prennent à vous, autant s’en balancer et en profiter, autrement si bibliquement dit, « Everybody Must Get Stoned ».
    « Ah, voilà pourquoi je t’ai fait venir du Canada ! » Ce franglicisme nihiliste séduit illico Michel, validant son hypothèse de départ : ces francophones assiégés au cœur de l’Amérique du Nord, avec leur double culture, française classique, à l’ancienne, et américaine futuriste, immédiate, ont nécessairement un temps d’avance tout en ayant un temps de retard, respectivement involontaire et volontariste. C’est de ce décalage qu’il espérait se nourrir, se hisser au-dessus de lui-même, des contingences ronronnantes de la variété française, pour assouvir son désir éperdu de rejoindre Gershwin entre Broadway et Hollywood. Et de fait, il ne s’y est pas trompé : on n’imagine pas Michel Berger écrire (encore moins chanter) des mots comme « éjacule », même si – ouf – Luc ne le fait rimer qu’avec « adule ».
    L’écriture se poursuit pendant deux mois au printemps 1977 dans une villa du Cap d’Antibes que France loue pour les deux auteurs, où Michel se distingue en récupérant dans la poubelle de la chambre de Luc le refrain de ce qui deviendra le tube qui lancera Starmania sur orbite : « Les uns contre les autres ». Impatient, hyperactif, il va jusqu’à enfermer Luc pour s’assurer qu’il ne passe pas son temps à visiter la région ou les musées, sans toutefois aller

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