Quelque chose en nous de Michel Berger
insupportable. C’est le fond du désespoir : la jeunesse, la prime adolescence, la douleur, la contrainte. » Décision courageuse, qui sur le moment blesse terriblement Michel, dont elle constitue toujours le haut-parleur tout-puissant et le porte-drapeau sur la tour de guet, au point qu’il s’en sentira trahi.
Starmania
Il est dorénavant admis que l’histoire, initialement écrite par les vainqueurs, n’est qu’un processus de révision continu, soumis aux sensibilités et aux connaissances changeantes du moment où elle se réécrit, et donc tout le contraire de tables de la loi, mais plutôt une somme d’informations soumises à un flux permanent de réévaluations.
Plus encore que pour toutes les autres matières, cela vaut pour la culture, ou particulièrement la sous-culture immédiate du divertissement. C’est ainsi qu’aujourd’hui chacun est persuadé, convaincu, lit, écrit et répète, affirme sans sourciller, que Starmania fut dès ses premières représentations le faramineux succès que tout le monde chante.
Rien n’est moins vrai. Je me souviens tout au contraire qu’à l’époque, au printemps 1979, nous exhortions quotidiennement à l’antenne d’Europe 1 nos auditeurs à venir retirer des places à la réception du 26 bis , rue François-I er , pour remplir la salle du Palais des Congrès. Les dimanches, en particulier, Luc Plamondon se souvient que Patrick Vilaret, le représentant de Michel dans sa maison de production Colline, arrivait dépité : « J’ai dû inviter tous les pompiers de Paris, sinon, on n’aurait eu personne. » Pour preuve de ce succès avant tout d’estime, le spectacle initial n’a pas été filmé. Tout juste FabienneThibeault a-t-elle obtenu un gros succès à l’automne précédent avec « Les uns contre les autres ». Et si, sur Europe, nous bastonnons toute la journée les autres titres signés Luc Plamondon et Michel Berger qui deviendront des classiques avec le temps, nos concurrents ne nous aident pas, et n’aident donc pas Starmania , à l’exception d’Antenne 2, qui lui consacre plusieurs reportages et une émission de Marie-France Brière présentée par Michel en costume rouge et Luc en smoking et moustache de cycliste, grâce auxquels on peut aujourd’hui en voir encore quelques images.
Pour Michel Berger, Starmania ou la passion de Johnny Rockfort selon les Évangiles télévisés constitue l’aboutissement de son ambition de créer une œuvre globale, opéra rock ou comédie musicale sans chichis, processus enclenché dès Puzzle, et poursuivi à travers Angelina Dumas, puis Émilie ou la petite sirène 76 . Il a parfaitement su analyser ce qu’il manquait à ces trois essais pour marquer les esprits, trouver le souffle nécessaire à emporter l’adhésion du public qui assiste à ce genre de shows un peu mélodramatiques, voire hystériques, cherche à en retirer une expérience cathartique : un argument visionnaire, des paroles violentes, brutales, théâtrales. Il a intégré qu’il n’en était pas capable en raison même de son style, sincère, honnête, autobiographique, convalescent, empli d’optimisme et de bénédicité.
Et se met donc à la recherche d’un parolier à même de lui apporter la modernité, la fulgurance, la noirceur, la vista qu’il n’a pas en lui. Intuitivement, il sait qu’il ne le trouvera pas dans son pays, où la chanson française s’embarrasse trop de prétention poétique et de complexe littéraire pour la concision, la puissance évocatrice, le son, dont il a besoin pour se démarquer des pesanteurs du bon goût etde l’académisme que requiert ici la notion même de comédie musicale ou d’opéra rock. Il va le dénicher à l’écoute d’un album de la Montréalaise Diane Dufresne considéré si dur que Barclay ne le sort même pas en France, alors qu’elle vient pourtant d’y connaître le succès avec « J’ai rencontré l’homme de ma vie » et « En écoutant Elton John » : À part d’ça, je m’sens bien . Toute la seconde face en est occupée par un Opéra-Cirque spectaculaire, qu’elle montera sur scène à grand fracas dramatique. La musique en est de son compagnon François Cousineau. Les paroles, qui interpellent Michel – et France – sont de Luc Plamondon, auteur de ses succès précédents. Les titres des morceaux leur parlent, et annoncent déjà en partie ce que sera Starmania : « La fin du monde est pour aujourd’hui », « Attention la Terre », «
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