Quelque chose en nous de Michel Berger
classe, à laquelle s’ajoute le clip en noir et blanc magnifique, émouvant pour une fois, de « Tennessee », entièrement tourné en illusion américaine en Île-de-France, Johnny plus beau et digne que jamais, buriné, austère, grave au bon sens du terme, habité, lent, Actor Studio, quelque part entre le Marlon Brando provocant de Sur les quais et le Johnny Cash spectral d’ American Recordings . « Michel l’a remis en costume, cravate, nickel. Johnny avait tout arrêté, il était net et clair, s’étonne encore Janik. C’était l’époque de Nathalie Baye et de la petite Laura. La protestante, elle le serrait. Crac ! Le soir, il rentrait tout de suite, sans même prendre un pot avec nous après le studio. »
Tout n’est malheureusement pas de cette eau pure dans cet album au son trop marqué par son époque, avec ses caisses claires en avant, des tempos trop sautillants pour la gravité de son interprète et ses synthés pétaradants qui prennent toute la place dans le spectre sonore, comme chez Toto que Michel admire tant (voir le ringard « Calypso » écrit pour France), et ce malheureux « Parker, connais pas », tellement proche du « What a Fool Believes » des Doobie Brothers période Michael McDonald que le titre – en hommage à Bird – en devient littéral, là où il devait être admiratif. Comme le « Ray Charles » de Michel Jonasz, et d’une certaine façon « Ella, elle l’a », c’est un aveu d’impuissance, la mesure de ce qui nous sépare de la source. Et quel que soit le talent de Patrick Bourgoin, excellent saxophoniste, « L’équipe de nuit » ne parvient pas du tout à être le « Dancing in the Dark » à la manière du E. Street Band qu’elle aspire à émuler. C’est qu’en matière de Rock’n’roll attitude , on est Born in the USA ou pas, semble-t-il encore.
Les guitares, heureusement, sont impeccables, qu’elles soient jouées en arpèges et rythmique par Chris Spedding, qui a décroché un tube spécial guitar hero avec « Guitar Jamboree », joue avec Roxy Music et John Cale comme avec Paul McCartney, et l’indispensable Claude Engel, dont Michel vient de publier l’album Guitarisme sur son label Apache, ou en solo par Frampton. « On s’est bien marrés »,se souviendra l’auteur de l’un des albums les plus vendus de l’histoire de l’industrie, Frampton Comes Alive, avec les tubes « Show Me The Way » et « Baby, I Love Your Way », habitué des séances de Johnny depuis qu’il l’a accompagné en janvier 1969 à Paris avec ses copains les Small Faces sur l’album au bandana noir où figurent « Rivière, ouvre ton lit » et « Je suis né dans la rue ». « C’était cool d’aller à Montréal et d’y retrouver Chris Spedding, que je n’avais plus vu depuis un bail. »
Cette fois, ça n’est pas Plamondon qu’on suit au Québec, mais Nathalie Baye, qui y tourne un film. France les accompagne, de Bosson les y rejoint pendant une semaine, et l’atmosphère prend vite un air de vacances. Janik Top assure la direction musicale, Jean-Pierre Janiaud les prises de son, Engel est aux guitares, Patrick Bourgoin au saxophone, Bill Cuomo aux synthés envahissants, Carlos Vega à la batterie, qui se suicidera trois ans plus tard au retour d’une tournée avec James Taylor. C’est le premier album adulte de Johnny, le plus consistant depuis le très rock Flagrant délit, quinze ans plus tôt. « Michel a beaucoup contribué à la maturation, à la progression de Johnny », constate Philippe Labro, lui-même auteur de nombreux classiques du répertoire hallydéen comme « Oh, ma jolie Sarah », « Fils de personne » et « Poème sur la 7 e ». « Il le fait monter de plusieurs crans. Il lui apporte encore plus de qualité, lui fait passer un cap. “Tennessee”, c’est devenu un de ses grands thèmes. Berger fait chanter à Johnny pour des millions de fans qui ne savent pas qui est Tennesse Williams, ce que signifie ce personnage, la symbolique qu’il a derrière lui, le comportement, cette culture de l’Amérique. La formulation, le concept, en est presque plus fort que la musique. C’est un génie mélodique, mais ses textessont tout aussi formidables que sa musique. Il est très complet, l’équivalent de Gainsbourg. »
Le succès de Rock’n’roll attitude tout au long de 1986 fait entrer Michel Berger dans une autre dimension. Il n’est plus seulement le Pygmalion, l’homme de l’ombre. À « Champs-Élysées », il chante «
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