Quelque chose en nous de Michel Berger
l’idée de départ, qui était une idée d’ouverture. On n’y voit plus que du rock, avec une conception complètement vieillotte, étriquée, hermétique et incompréhensible, à l’encontre de la nature même de sa propre matière. Parce qu’il n’y a rien de plus ouvert que le rock lui-même. Le public qui aime bien ce que je fais et qui me suit aime des choses très différentes, mais il y a quand même des familles qui vont ensemble au concert… »
Michel Berger se réfère alors au comité d’artistesconsultatif que Marcel Jullian, P-DG d’Antenne 2, et Jacques Chancel ont souhaité réunir pour accompagner les programmes de la chaîne, plus ou moins prorogé ensuite par Pierre Desgraupes. « Comme on discutait beaucoup avec Berger, quand Desgraupes me propose de prendre en charge les programmes pour jeunes, raconte Lescure, je dis : on est en mono, donc on va pas faire de concerts. Tout le monde a la stéréo chez lui, on se fait chier sauf quand ils sont extrêmement bien tournés : on n’a dû faire que Simon & Garfunkel à Central Park. Mais en revanche, je lui parle de “Mon fils rira du rock’n’roll”. Je lui dis : ça pourrait être filmé, c’est toute l’histoire d’une vie, d’adolescent, de jeune adulte, d’homme, d’avenir, c’est un film. Et on a beaucoup discuté d’un truc qu’on avait fait en 1974 avec Jean-Michel Desjeunes et Michel Thoulouze, un one shot qu’il était trop jeune pour avoir pu y participer, ce qu’il regrettait. Ça s’appelait Faut pas rêver . On avait déroulé l’histoire d’une chanson, depuis trois notes pianotées par Desjeunes, mises en musique par Francis Lai et arrangées par Michel Bernholc que m’avait conseillé Berger, puis à la fin elle était interprétée par Il Était Une Fois. On avait donc raconté la genèse d’une chanson, j’avais fait un reportage sur les Beach Boys, puis surtout, on avait pris la chanson de Juvet et Jarre, “Faut pas rêver”, et on l’avait fait mettre en images par Godard, par Gainsbourg et par Folon. Berger m’a dit : “Voilà, faites pas de concerts, mais faites ça, illustrez partout la musique, faites vos blagues à la con, pipi caca.” C’est vrai qu’il m’a conforté en me disant : “Le jour où vous avez illustré cette chanson, j’aurais voulu en être.” Desgraupes n’aimait pas Les Enfants du rock comme titre, il trouvait ça trop pompier. Mais Michel m’a encouragé à garder un titre français : “Ça, c’est un titre qui embrasse.” Il voulait donner un statut àla chanson, des titres de noblesse. Il avait raison. Sauf qu’il pouvait être chiant parce que trop professoral. Il pouvait te chibrer un dîner, et là tu ne voyais plus que son visage anguleux et sa voix haut perchée ; tu avais envie de lui dire : “Mais lâche-moi la grappe.” Mais là où il a raison, c’est vrai que Patrice Blanc-Francart a réduit le prisme. Catherine Barma occupait ce créneau-là, autour de la chanson française, au début des Enfants du rock . Je comprends qu’après, Michel se soit senti lâché. »
Ce qu’il redoute, rejette alors, c’est ce qu’on appelait jadis la « jazz police », ces rock critics de Manœuvre à de Caunes qui distribuent maintenant le « label rock » à qui ils le décident. J’en fais partie, il le sait, et se défend, fort de la relation de confiance, de complicité, que nous sommes en train d’entretenir.
« Si on contrôle, j’ai fait un “Numéro 1” où j’ai invité Bashung, Balavoine, c’est pas mal. Si on est soi-même invité, c’est différent, là on n’a pas le choix. Sinon, c’est vrai, à la télé, il y a une complaisance. Ce que je trouve important dans la culture rock, c’est de ne pas être complaisant et il suffit d’être comme ça. Après, peu importe le médium : c’est un choix personnel de ne pas sourire à la caméra simplement parce qu’on te le demande. Les émissions où il y a des danseurs, donc on exige qu’il y en ait derrière toi, parce que c’est comme ça et qu’il faut bien les utiliser, ça alors, c’est épouvantable. Maintenant, la musique est un moyen d’expression, on balance ce qu’on a à l’intérieur de soi, et ça a quand même vraiment évolué… »
Là où il se situe sur la ligne de la musique en France, au centre droit, disons, on s’attendrait, au vu de sa sensibilité, de ses allégeances, qu’il ne regarde que sur sa gauche. Erreur.
« Chamfort, c’est un type qui est
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