Quelque chose en nous de Michel Berger
qui révolutionne la manière d’envisager la musique en France. Son parcours se révèle finalement plus rock’n’roll que son attitude. C’est toute sa frustration, et il en a assez. On l’a vu, il a déjà été outré de ne pas voir Véronique Sanson aussitôt acceptée par la communauté à laquelle ils sont convaincus d’appartenir tous les deux, ou du moins par son porte-voix et arbitre des élégances, la presse rock, soit à l’époque Rock & Folk, Best, Extra, Pop Music Hebdo . Le 26 février 1983, en direct tout l’après-midi avec moi sur Europe 1, « premier invité français de “Rock à l’œil aussi le samedi” », il en a fait son deuil, mais seulement si on l’en croit.
« Disons que de la rock music, on ne souffre pas d’en être rejeté, même Daniel Balavoine a fait une croix dessus. C’est vrai qu’au départ on croyait qu’on serait aidés par des gens qui avaient envie que ça bouge un peu et que ça évolue, et puis on s’est rendu compte que ce sont eux qui nous ont lâchés tout de suite. Je me souviens très bien des débuts deVéronique, où les journaux de rock ont refusé catégoriquement de faire une ligne sur elle, et depuis ça a toujours été comme ça. Ça n’est d’ailleurs pas uniquement la presse rock. En France, c’est toute l’idée de succès auprès d’une assez large audience qui n’est pas compatible avec le fait d’être encensés par un certain nombre de critiques très spécialisés. Et ça, c’est exactement le contraire de ce qui se passe aux États-Unis, où on a envie que les gens qu’on aime aient du succès et on a envie qu’ils puissent s’épanouir. Le succès, c’est la possibilité de faire ce qu’on a envie de faire comme spectacle ou comme disque. Si je ne vendais pas un peu de disques, jamais je n’aurais pu demander aux Brecker Brothers de venir jouer dans mon disque. Ça donne des possibilités artistiques fabuleuses et puis ça te donne confiance en toi. Cela dit, au début, j’ai été aidé par des gens qui ont cru beaucoup en ce que je faisais, et parmi eux des gens qui faisaient des émissions de rock et étaient assez spécialisés, même si par la suite ils se sont un peu éloignés avec le succès. » Michel évoque sans doute là, entre autres, Georges Lang, qu’il consultait régulièrement pour le choix de ses musiciens américains. Il va jusqu’à se rendre à Luxembourg, accompagné de Grégoire Colart, participer, dans les légendaires studios RTL de la Villa Louvigny, à l’émission de Georges. À l’issue du déjeuner, comme il est de coutume, Grégoire s’empare de l’addition, pour se voir sermonné par Michel : « C’est nous qui nous sommes déplacés jusqu’à Luxembourg, c’est à lui de nous inviter. » Toutes les légendes ne sont pas fausses, et certaines réputations, fondées, même si le show-biz, lui, reste le royaume de la rumeur, la plupart du temps malveillante.
Georges prendra ses distances après que France lui a fait de mauvaises manières lors des débuts deMichel sur scène au théâtre des Champs-Élysées. Berger reste pourtant conscient de ce qu’il lui doit, comme à d’autres. « Mais ça m’a beaucoup aidé moralement – extraordinairement – à ce moment-là. On ne se rend pas compte combien c’est important, au moment où on ne vend pas, d’avoir des gens qui vous suivent et vous connaissent. »
La question qui se pose bien sûr, alors, c’est celle de la « compromission ». Si le rock n’est pas bienvenu partout, le rock exige qu’on ne se montre pas n’importe où. Ni avec n’importe qui. Le héraut de la rock’n’roll attitude est précisément celui qui n’incarne plus l’attitude adoptée par ceux pour qui c’est un mode de vie, une vocation, plutôt qu’une simple pose caractérielle. « Je t’épie à la radio et je n’aime pas faire le clown à la télévision, mais crois-moi, tous les gens qui font du rock veulent faire les grandes émissions de télé, Michel Drucker, Guy Lux, les Carpentier. J’ai vu tous les groupes qu’on connaît un peu et qui font du rock : ce sont des gens qui passent dans toutes les émissions. Heureusement, maintenant, qu’il y a des émissions plus branchées sur le rock. J’en suis très responsable, j’en suis très fier parce que le rock, ça n’existait pas à la télévision, maintenant ça existe un peu et, d’ailleurs, c’est en train de devenir des ghettos en se retournant complètement contre
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