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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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dut verser quatre-vingts livres tournois et fournir deux aunes de toile de Hollande ou de batiste, au choix de la femme du notaire ; en 1694, à Nyons, une mère mettant son fils en apprentissage chez son beau-frère apothicaire ajoute à la somme de soixante-quinze livres qu’elle devait payer en quatre termes un louis d’or « pour les épingles ».
    Voici encore, le 3 février 1660, devant M e Pataud, notaire royal à La Vernelle, dans l’Indre, le contrat d’accueillage passé par Sylvain Airault, maître drapier et cardeur, qui « a promis et s’est obligé montrer à François Janvier bien et duement sondict mestier de drapier et cardeur, pendant le temps et espace de dix-huit mois à compter de cejourd’hui. Pendant lequel temps ledit Airault sera tenu iceluy nourrir, coucher et reblanchir de la manière accoustumée ». L’apprenti promet d’obéir à son maître et de « faire le service d’iceluy selon son possible ». Aux termes de ces contrats, le ménage du maître se substitue en effet pleinement aux parents pour éduquer l’apprenti, qui doit avoir dix ans révolus et être un enfant légitime. Il le forme et l’aguerrit au physique comme au moral, veillant notamment à ses comportements tant au plan des mœurs que de la religion. Il n’en reste pas moins qu’en bons ruraux, les pères « laboureurs » plaçant leur fils prennent le plus souvent soin d’ajouter au contrat une clause prévoyant une interruption de l’apprentissage durant les travaux d’été, afin de retrouver les bras qu’ils ont abandonnés à un autre.
    L’avocat, à son tour, bénéficiait d’autres ouvertures. En relation avec le monde des parlements, il a bientôt envie de s’y agréger ou d’y voir siéger ses enfants. Dès lors, comme son aïeul laboureur s’était saigné aux quatre veines pour acheter une cure à son fils, l’avocat sera prêt à tout sacrifier pour acheter une de ces nombreuses charges, qui permettra un jour à ses descendants de parfaire le vieux rêve familial en accédant à la noblesse. C’est ainsi qu’en quelques générations, à force de travail et d’opiniâtreté, des familles ont réussi à gravir un à un les échelons. Cette réussite aurait dû les satisfaire ; beaucoup pourtant restaient frustrés.
    Pour mieux se protéger et protéger leurs acquis et leurs privilèges, toutes ces strates et ces classes sociales s’étaient en effet refermées sur elles-mêmes. Une fois arrivé à la noblesse de robe, le bourgeois craignait de se voir rejoindre par le petit-fils de son ancien notaire, qu’il prenait pour menu fretin, comme il se voyait lui-même toisé avec dédain par les aristocrates issus des anciennes lignées, qui n’oubliaient pas que la plupart de ces bourgeois enrichis avaient profité de leur propre régression pour racheter leurs terres avant de se faire anoblir. Il n’était pas question qu’une de leurs filles puisse épouser un de ces nouveaux riches, et ils faisaient tout pour que les Honneurs de la Cour, dernier pré carré de leur caste, ne soient jamais ouverts à ces légions de prétentieux. Ce fut sans doute là leur erreur, et fatale, car si nos bourgeois avaient pu poursuivre leur irrésistible progression, ils n’auraient sans doute pas cherché à faire exploser le système, en 1789. Mais l’ancienne société d’ordres était devenue une société de classes, sclérosée et fermée, ou la mobilité était limitée, et qui n’avait plus de soupape de sûreté. Ce seront donc les bourgeois, frustrés et ambitieux, qui se chargeront de provoquer l’explosion.
    Les cas de parcours complets, du laboureur au noble, ont cependant été nombreux, la plupart ayant été amorcés au XVI e siècle, période qui vit un déplacement des fortunes de la noblesse vers la bourgeoisie, et où nombre de petits-enfants de laboureurs et d’enfants de notaires reconstituèrent patiemment, par achats successifs, les grands domaines fonciers que les anciennes familles nobles avaient dû vendre peu à peu au cours des cent dernières années.
    Un exemple parmi des milliers d’autres sera fourni, dans le Cantal, par les familles de Cheylade. Si deux des sept anciennes maisons seigneuriales ont réussi à résister à l’érosion du vieux monde féodal, les autres ont entamé une régression qui va profiter à des lignées nouvelles, notamment aux Labroha, qui s’y sont établis comme notaires au siècle précédent et qui attendent leur heure. En

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