Qui étaient nos ancêtres ?
une vingtaine d’années, deux frères, Messire François Labroha, notaire et procureur fiscal, et son frère Jacques, rachèteront massivement terres et droits seigneuriaux, au point que, dès 1585, les terriers du village montrent que les deux frères se sont substitués aux anciens propriétaires qu’ils ont évincés. Ils en prennent alors les titres, devenant « seigneurs de la Buge », et le cadet franchit l’étape capitale en apparaisant dans les actes, dès 1612, sous la mention de « noble homme Jacques de Labroha, écuyer, seigneur du Chauvier et du Foulhoux ». Ses enfants s’allieront bientôt aux descendants des vieilles familles d’origine chevaleresque. Les Labroha, à Cheylade, ont en un siècle gravi l’échelle sociale d’un seul et magistral élan…
Au XVI e siècle, les conditions ont été à ce point favorables que le mouvement a pu être rapide et qu’une seule génération put parfois accomplir un ouvrage définitif… Plus tard, il faudra travailler durement, sur plusieurs générations, et développer un réseau solide. À La Borde, dans les Pyrénées, le clan des Duplan réussira ainsi, à la fin du XVIII e siècle, à concentrer les professions de médecin, de pharmacien, de notaire et de curé, positions qu’il consolidera par la construction de belles maisons et par les inévitables achats massifs de terres que la Révolution va bientôt favoriser.
Quand les armes changent :
les petits-enfants de l’instituteur
Après 1789, d’autres voies de progression sociale se dessineront. La vente des biens du clergé et la confiscation de ceux des émigrés, sous la Révolution, feront le jeu de bien des familles bourgeoises. La plupart des laboureurs vont se transformer en « propriétaires », appellation qui ne renseigne nullement sur l’importance de la surface possédée, qui, souvent, ne dépassera guère un ou deux hectares. Mais c’est un début, et chaque centiare de terre est ensemencé et rentabilisé.
Les ateliers engendrés par la révolution industrielle permettront également d’éclatantes réussites. Les descendants de Baltazar Schneider, modeste laboureur lorrain du village de Honskirch qui à son décès, en 1678, n’avait laissé qu’une petite maison entourée d’un jardin clos et de quelques maigres arpents de terre, se retrouveront ainsi à la tête de l’empire industriel qu’ils ont bâti à partir des usines ruinées du Creusot…
Le développement du secteur tertiaire, et avec lui des employés, donnera naissance à une nouvelle classe moyenne, entreprenante et ambitieuse. Enfin, grâce à Jules Ferry, des professions comme celle d’instituteur permettront de gravir, en trois générations, toute l’échelle sociale. Des paysans verront leurs petits-enfants sortir de Polytechnique, et c’est ainsi que Jean Pompidou, maître bouvier et cultivateur à Vernols, dans le Cantal, en 1887, sera, par son fils instituteur, le grand-père d’un président de la République. Dans les années 1950-60, le système des bourses scolaires accélérera le processus : nombre de familles d’ouvriers et d’agriculteurs connaîtront des réussites plus fulgurantes encore, en deux générations, avec le fils devenu médecin.
Pourtant, les descendants du médecin d’hier, comme ceux du noble d’autrefois, qui vivent souvent dans de grandes villes, très loin du monde rustique de leurs ancêtres, n’en garderont pas moins, solidement ancré, le souvenir de ces temps où la terre était la valeur de référence. Nantis ou non de châteaux en Espagne, ces nouveaux « gros bonnets » continueront à parler de « terrain favorable », de « préparer le terrain » et se garderont de « mettre la charrue avant les bœufs », autrement dit de faire les choses à l’envers.
Sang bleu, gros bonnets et châteaux en Espagne
De nombreuses expressions courantes ont trait aux degrés de la réussite sociale.
On notera d’abord celle de coq de village, ou de paroisse, née au XVII e siècle, et donnée en référence directe au coq perché au sommet du clocher, qui dominait tout le village, image d’autant plus utilisée que le coq symbolisait aussi la puissance sexuelle. Nos coqs de village étaient à la fois la crème et dans les huiles, du fait que ces deux substances surnagent lorsqu’on les mélange à d’autres. Ils occupaient le dessus du panier, position retrouvée avec le gratin. Ces coqs de village étaient par ailleurs réputés
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