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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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aussi l’appellation officielle des hommes d’Église.
    Le livre de comptes de Pierre Bordier, laboureur à Lancé, près de Vendôme, au milieu du XVIII e siècle, le montre allant régulièrement vendre son blé sur les marchés d’alentour, comme d’autres vont y vendre des animaux, et ne dédaignant pas d’arrondir son patrimoine en acquérant, çà et là, quelques ouvrées de terre. Cela quitte à emprunter de l’argent – ou aussi à en prêter lui-même… Un tel homme est par ailleurs générateur d’embauche, puisqu’il entretient une domesticité permanente, à laquelle s’ajoute chaque été une brochette de travailleurs saisonniers, engagés le temps des gros travaux.
    Le laboureur, et plus encore le « marchand-laboureur », est donc bien un capitaliste. Il n’hésite pas à prendre des risques. Sa fortune restant longtemps mobilière (attelages, troupeaux, récoltes…), il n’est jamais à l’abri d’une conjoncture difficile ou d’une catastrophe naturelle, comme une mauvaise récolte, une plante parasite, le gel ou la sécheresse. Qu’il tombe malade ou qu’il meure avant que ses fils puissent assurer la relève, et voilà sa femme et ses enfants dégringolant l’échelle sociale, à moins que sa veuve ne puisse se remarier très vite, avec un veuf de son milieu ou, ce qui est plus rare, avec quelque journalier courageux, prêt à payer de son travail et de son indépendance cette promotion inespérée. C’est le cas, en Champagne, d’Henry Magitot. Au début de son mariage, il est dit laboureur, dans le gros bourg de Fismes, où, à force de travail, il deviendra marchand de chevaux. Père de quatorze enfants, entre 1718 et 1741, il décède en janvier 1743, à l’âge de quarante-sept ans, alors que le dernier n’a qu’un an et demi. L’aîné des fils n’a que neuf ans, la fille aînée vient d’épouser un serrurier ; toute la famille s’expatrie alors pour Paris, où l’on aura bien du mal à s’adapter et à survivre.
    En mai 1753, c’est Michel Leboul, laboureur de la ferme du Maurier, dans le Maine, qui meurt en laissant une veuve et deux enfants, majeurs mais malades, incapables en tout cas d’assurer le travail de leur père. L’inventaire des biens révèle des conditions difficiles : pas de réserve de fourrage, ni d’argent. On commence par congédier les deux domestiques et, quelques jours après, on vend le train de culture : la charrette, les bœufs, les chevaux, les harnais… pour pouvoir s’acquitter des contributions exigées pour la construction du grand chemin royal (la future Nationale 23) qui reliera Le Mans à La Flèche. La propriétaire, apprenant cela, charge son régisseur de demander une saisie des sommes pour les arriérés qui lui sont dus et nos paysans, devenus soudainement « pauvres », se voient bien incapables de trouver la moindre caution.
    D’autres fois, notre homme est victime de l’évolution générale. Ainsi, lorsque l’ouverture des grandes routes au roulage, au début du XVIII e siècle, mettra le bourg de Cheylade, en Haute-Auvergne, à l’écart des circuits économiques, les Baritou, marchands encore qualifiés de « messires » en 1734, seront retrouvés simples voituriers une quinzaine d’années plus tard…
    En revanche, lorsque la chance lui souriait, le laboureur pouvait placer sa famille sur les rails. À ce titre, cette profession apparaît donc comme un passage quasiment obligé, par lequel sont passées toutes les familles ayant alors gravi les échelons de la société.
    Car notre gros laboureur, ou notre marchand, donnait généralement le jour à une famille nombreuse. Il se retrouvait avec des filles à marier et des fils à établir, qu’il n’hésitait pas à disperser à travers le monde dans lequel il évoluait, les mariant ou les plaçant en apprentissage auprès de ceux avec lesquels il était en relation de travail. Il donnait volontiers ses gars pour gendres au meunier ou au cabaretier du coin. Il en laissait un chez le maréchal-ferrant, qui lui ferrait ses animaux et qui occupait, au village ou dans le bourg voisin, une place de choix. Il en plaçait un chez un marchand-tanneur de la ville voisine, à qui il avait l’habitude de vendre les peaux de ses animaux. Il ne dédaignait pas non plus d’en laisser un chez monsieur le Curé, comme sacristain ou comme marguillier, en attendant mieux… On mesure tout ce que cet éventail d’alliances avait de réfléchi et de

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