Qui ose vaincra
d’élément modérateur, le reste de la bande approuve. Cochin n’a qu’à céder et le festival commence.
Une bagarre monstre est déclenchée le samedi suivant au bal de Camberley. Lorsque la police militaire et les Home Guards arrivent, l’établissement a une allure de champ de bataille.
Des blessés gisent çà et là ; tout est saccagé, brisé ; les parachutistes se sont volatilisés, on ne retrouve pas un seul coupable.
Le lendemain, les quatre amis mettent le feu à une baraque. Dans les jours qui suivent, ils essaient leurs explosifs un peu partout. Ils font sauter des ouvrages d’art, des ponts, coupent des routes. Un jour, à cinq kilomètres du camp, ils obligent des prisonniers italiens qui travaillaient aux champs à les ramener en les portant sur leurs dos. Menacés, leurs deux gardiens anglais avaient préféré obtempérer et rentrer à leur base faire un rapport… Un de plus.
Mais l’apothéose fut un commando suggéré par les sous-lieutenants et qui fut effectué à la base proche des Auxiliary Territorial Service (A.T.S.) – unité d’auxiliaires féminines de l’armée britannique. Il est préférable de ne pas s’étendre sur les détails de l’opération.
Les « quatre baraques » et leurs hommes de main décident alors de se calmer et d’attendre les réactions de Londres. Une nouvelle fois rien ne se produit. Ils sont écœurés.
Le 4 octobre, ils tiennent conseil. Il est 22 heures. Le mess des officiers est désert. L’un après l’autre, les quatre sous-lieutenants émettent des propositions toutes plus farfelues les unes que les autres. Leur seul mérite est de les détendre, de les faire rire et de les faire boire. Le whisky coule en cascade. Finalement, Denys Cochin, le sage, demande la parole et déclare d’un ton pompeux : « Messieurs, il y a maintenant plus d’une heure que je supporte vos conneries. Aussi je me permets de vous suggérer de fermer vos grandes gueules d’ivrognes et de m’écouter.
— Je refuse ! Il est emmerdant l’abbé », braille La Grandière.
Kérillis frappe la table.
« Écoutez le curé, nom de Dieu ! C’est quand même lui qui pense le plus. Vas-y, Denys, on t’écoute. »
Cochin se lève et poursuit sur le même ton :
« De Gaulle refuse de venir à nous, allons à lui.
— C’est l’évidence même, approuve Camaret en se levant et en se dirigeant vers la porte d’un pas incertain. Il n’y a qu’à prendre la jeep de « Jésus ». En route, les gars ! »
(Jésus était le surnom dont le bataillon affublait ses chefs qui se succédaient.) « Mais pas comme ça, Michel ! Reviens, tu n’as rien compris. Ce n’est pas d’un commando que je parle, je ne suggère pas de balancer des grenades dans tous les bureaux de Carlton’s Garden.
—Ça ne serait pas un commando, ça serait un pogrom, lance La Grandière.
— Roger, ton antisémitisme, on l’a au cul, gueule Kérillis.
— Je ne suis pas antisémite, je dis simplement que leur pourcentage est plus élevé dans les bureaux de Londres qu’au camp de Camberley. Quatre-vingt-trois pour cent à Londres, un demi-pour cent ici. Ça n’est pas de l’antisémitisme, ce sont des mathématiques.
— Ça y est, le voilà reparti, déplore Kérillis.
— Arrêtez ces enfantillages, enchaîne Cochin. Écoutez-moi. Il faut obtenir une permission d’une semaine pour l’un d’entre nous. Ça, je m’en charge. Notre envoyé ira à Londres et fera un siège en règle du bureau du général. Il réclamera une audience qu’on lui refusera ; alors il s’installera sur la banquette du palier, respectueux, poli, rasé, et branlé comme disait Clemenceau. Garde-à-vous et salut réglementaire à chaque passage d’un supérieur ; même tabac, mais en plus déférent à chaque passage du général. De Gaulle finira bien par demander : « Mais qu’est-ce qu’il veut, ce con-là ? Qu’il entre ! »
— C’est génial, positivement génial, reconnaît Camaret en se servant une rasade de whisky. Seulement, lequel d’entre nous ? On tire à la courte paille ?
— Ce serait juste, admet Cochin. Mais il faut penser d’abord à l’efficacité, et choisir la victime selon certains critères. Désigner celui d’entre nous qui a le plus de chances d’aller au bout de sa mission et de la mener à bien. Ces critères sont : primo, le physique. De Gaulle, vous le savez tous, est sensible à la « cote d’amour ».
Il faut donc désigner celui d’entre nous qui a le plus
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