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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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Grandière s’était contenté de hausser les épaules. Dans la soirée du second jour d’attente, le général ne sort pas à son heure habituelle, 20 h 30, et il n’a pas quitté son bureau depuis le matin. La Grandière est tenaillé par la faim et la soif ; il est en faction depuis treize heures consécutives. Un défilé continu de visiteurs a passé la porte dans les deux sens. En ce moment, un général anglais et un civil sont en conférence avec de Gaulle.
    Le lieutenant Guy, second officier d’ordonnance, sort à 21 h 30. La Grandière et lui ont pris l’habitude d’échanger quelques mots : « Il va y passer la nuit ? questionne le sous-lieutenant.
    Ça se pourrait, mon vieux. Allez donc vous distraire dans Soho. De toute façon, ça ne changera rien.
    — Il a bouffé ?
    Je n’ai rien vu passer.
    — Il ne bouffe jamais. Il se sustente de temps à autre par nécessité, et encore quand quelqu’un le lui fait penser. Je l’ai vu tenir pendant beaucoup plus longtemps. »
    Il est 2 h 30
    du matin lorsque sortent les Anglais. Trois heures moins le quart quand apparaît de Gaulle suivi du lieutenant Guy. Le général passe la porte en coup de vent. La Grandière a juste le temps de se lever et de saluer. De Gaulle ne répond toujours pas, descend précipitamment les marches. Derrière lui, tout en rangeant un tas de dossiers dans une serviette, Guy tente de suivre la cadence.
    Écœuré, La Grandière ramasse ses bandes dessinées, ferme un livre qu’il avait apporté, s’apprête mollement à descendre à son tour, il entend alors la voix caractéristique, le ton pesant et déclamatoire qui donne à chaque phrase prononcée l’autorité d’une dogmatique sentence :
    « Allons, finissons-en avec celui-là. »
    La Grandière repose prestement ses illustrés. De Gaulle remonte les marches deux à deux. Toujours sans le moindre regard vers le sous-lieutenant, il pénètre dans son bureau.
    D’un signe de tête, le lieutenant Guy qui a suivi avise La Grandière et, se tenant sur le pas de la porte, annonce :
    « Le sous-lieutenant Roger de la Grandière, mon général. »
    La Grandière entre, se momifie dans un garde-à-vous qu’il conserve, répète d’une voix énergique : « Sous-lieutenant Roger de la Grandière, 1 er bataillon de l’infanterie de l’Air. Mes respects, mon général. »
    De Gaulle s’est assis. Guy a déposé sur son bureau la demande d’audience. Le général y jette un coup d’œil, n’a pas la moindre réaction, n’intime pas l’ordre d’abandonner le garde-à-vous, il dit simplement :
    « Vous êtes un descendant de l’amiral ?
    — Il était l’arrière-grand-père de mon père, mon général.
    — Un grand marin. Un des bâtiments de la « Royale » porte son nom, et c’est justice.
    — Un contre-torpilleur, en effet, mon général », acquiesce La Grandière qui commence à trouver sa position de garde-à-vous inconfortable et se demande si l’entretien va se poursuivre sur les mérites maritimes de son aïeul.
    Le lieutenant Guy a quitté la pièce. Il revient, pose sur le bureau un épais dossier. De Gaulle le parcourt en silence. La Grandière en profite pour dodeliner légèrement, alléger sa position en désaxant son centre de gravité, le portant sur une jambe, puis sur l’autre.
    De Gaulle referme le dossier, allume une cigarette et déclare : « Ainsi vous appartenez à ce corps d’élite qui remporte victoire après victoire sur les vieillards de la Home Guard… Repos. »
    La Grandière se détend. Il cherche une réponse, de Gaulle le devance : « Votre demande d’audience est insolente, mais elle n’est pas explicite. Alors, venez au fait.
    — Mon général, nous avons le sentiment d’être oubliés, de ne servir à rien. Le bataillon s’ennuie, il en résulte d’inévitables défoulements chez les jeunes.
    — Et chez les officiers, si j’en crois les rapports des Anglais.
    — Et chez les officiers, admet La Grandière.
    — C’est le colonel Fourcaud qui vous envoie ?
    — À vrai dire, mon général, c’est une idée personnelle. Enfin, je veux dire qu’elle est née d’un commun accord à l’issue d’une conférence des officiers du bataillon. »
    De Gaulle ouvre à nouveau le dossier, le consulte.
    « Il y a vingt-quatre officiers chez vous. Tous participaient à votre… conférence ? »
    La Grandière se mord les lèvres.
    « À vrai dire, pas absolument tous, mon général. »
    De Gaulle replonge la tête dans le

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