Qui ose vaincra
le dispositif dès que le convoi s’approchera. Entre Bressuire et
Parthenay, le terrain se prête parfaitement à ce genre d’opération. »
Ce sont l’adjudant
Montagnac et Maurice Faroudja auxquels est revenu l’honneur d’ouvrir le bal. Quelques
minutes leur suffisent pour installer la charge. Ils se tiennent embusqués en
surplomb dans les bois.
Vers 15 heures, le
convoi arrive lourdement. De la position qu’ont choisie les parachutistes et, compte
tenu de la lente progression du convoi, les deux hommes aperçoivent le train
blindé alors qu’il se trouve à plus de cinq minutes d’eux. Faroudja se
précipite sur la voie, règle le dispositif de retardement, et rejoint en
courant le sous-officier.
Les deux parachutistes s’éloignent
de huit à neuf cents mètres, puis trouvent un arbre dans lequel ils grimpent et
duquel ils peuvent observer à la jumelle la bonne marche de leur entreprise.
L’explosion déchire les
rails sur cinquante mètres. Les traverses voltigent comme des fétus de paille. Il
est évident que le sabotage a été perçu des passagers du train.
Lorsqu’un bref instant
plus tard le convoi apparaît, il traînaille au pas comme un gros mollusque et s’immobilise
sans difficulté avant la brèche.
Hurlant, vociférant, un
major de la Waffen S.S. court le long de la voie, suivi d’une dizaine d’officiers
et sous-officiers.
Beaucoup plus calme, un
colonel des pionniers apparaît et, accompagné de plusieurs spécialistes, se
rend sur les lieux du sabotage.
Le major S.S., ne
sachant sur qui repasser sa colère, s’en prend à l’officier du Génie qu’il
insulte malgré l’infériorité de son grade. Le colonel semble s’en foutre
éperdument. Ignorant l’excité, il distribue des ordres aux pionniers qui se
mettent instantanément au travail.
Dans leur arbre, l’adjudant
et Masarelas jubilent.
« Même s’ils
travaillent toute la nuit, ils ne pourront pas réparer avant la fin de la
matinée prochaine, déclare en technicien l’adjudant Montagnac. On peut rentrer
tranquillement.
— Restons encore un
peu, tu veux ! Ma parole, c’est trop marrant. Regarde, regarde, s’il
gueule, ce con ! Il est comme un fou, dis, comme un fou… Qu’il est rigolo,
ce guignol, c’est pas possible ce qu’il est rigolo…
— Allez, Robert, tu
reviendras. Le capitaine il a dit de ne pas traîner. »
À la ferme, le rapport
imagé et amplifié de Masarelas plonge ses compagnons dans l’allégresse. Fournier,
comme d’habitude, écoute, amusé. Il est certain que l’opération est un succès
sans faille ; pour le reste il y a longtemps qu’il a appris à faire la
part des choses.
« Ma parole, un
général de S.S., explique Robert. Bardé de décorations qu’il était, Croix de
fer, tête de mort, tout le bouzdir… Dans les deux mètres de haut il mesure, et
la gueule mauvaise, mauvaise. Alabi, rien qu’il le voit, il meurt.
— Va te faire niquer,
va ! jette, indifférent, Alabi.
— Bon, décide
Fournier, demain matin, Poli et Kraft. Pour les autres, repos.
— La vie de château,
conclut Masarelas, une petite promenade quotidienne et retour à la maison comme
de petites cailles. »
Le lendemain, la scène
se répète.
Après avoir travaillé
près de vingt-quatre heures consécutives, les pionniers ont regagné le convoi
qui s’est prudemment engagé sur les rails bricolés. Le train n’a même pas eu le
temps de prendre sa vitesse, il a parcouru exactement deux kilomètres sept cent
avant que les mécaniciens ne perçoivent devant eux la nouvelle explosion.
Cette tragi-comédie va
durer huit jours pendant lesquels le train ne parcourra que les vingt-sept
kilomètres qui séparent Bressuire de Parthenay.
Pendant les quatre
premiers jours, une effervescence enthousiaste va croître chez les
parachutistes, tandis que les Allemands vont porter leur colère à leur
paroxysme. Puis, curieusement, dans un camp comme dans l’autre, on va se lasser
des réactions passionnées.
Chez les Français, le
jeu va devenir routine, de leur côté les Allemands vont subir avec le stoïcisme
que donne l’habitude. Un écœurement blasé va faire place chez eux à l’indignation
et à la colère.
De la ferme, on part « faire
sauter le train blindé », comme on irait aux fraises ou aux framboises. En
rentrant, on ne raconte même plus ses exploits ou les réactions suscitées chez
l’ennemi, ce sont maintenant
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