Qui ose vaincra
toujours les mêmes.
Le 23 août, le train
arrive enfin en gare de Parthenay. On est à la veille de la Libération de Paris,
il n’est plus question pour le convoi d’espérer passer la Loire. Alors, écœurés,
découragés, abattus, excédés par leurs efforts négatifs, les Allemands dirigent
le train blindé sur une voie de garage et, eux-mêmes, ils le piègent et le font
sauter. Puis, en deux colonnes séparées, les soldats vaincus prennent à pied la
route du nord-est qui ne peut plus les conduire qu’à la captivité.
Vingt-cinq ans après, les
Pieds-Noirs de la section de commandement du capitaine Fournier en rigolent
encore.
Quelques jours avant l’affaire
du train blindé, à la tombée de la nuit, une patrouille dépendant de la
compagnie Fournier vient de réaliser qu’un piège géant se referme sur elle. Les
hommes du 3 e R.C.P. se terrent dans les bois d’Anjou d’où ils ne
sortent que la nuit pour effectuer des sabotages et tendre des embuscades. L’aspirant
d’Azermont les commande. Ils sont neuf : Méda, Verchère, Monteil, Vercherie,
Andrieux, Gosselin, Hourdebaigt, Germain et Jaillette.
Les S.A.S. ont entendu
et compris qu’un énorme dispositif allemand encerclait la forêt. Il est
impensable d’envisager une fuite : 1 100 S.S. s’apprêtent à
entreprendre une battue dans le bois d’Anjou.
Les parachutistes
cherchent une position de laquelle ils pourront se défendre, fixer l’ennemi
avec le plus d’efficacité, tenter de lui infliger de lourdes pertes avant de
succomber.
Le bois d’Anjou, au cœur
du bocage vendéen, n’offre aucune déclivité de terrain. Les seuls abris
possibles sont constitués par des taillis sous futaie, un véritable maquis dans
lequel on peut aisément se dissimuler.
D’Azermont et ses hommes
décident de se terrer et d’attendre.
Le jour tombe. Les S.A.S.
se sont disposés à plat ventre à quelques mètres les uns des autres. Anxieux, sans
rien voir, ils suivent de l’ouïe la progression du dispositif ennemi.
Le cercle se resserre
inexorablement. Ies parachutistes entendent maintenant nettement les ordres ou
les consignes criés dans les rangs des S.S. qui battent les futaies, violent la
forêt mètre carré par mètre carré.
Dans cinq minutes tout
au plus, ils vont être découverts. Jaillette rampe jusqu’à l’aspirant et
chuchote :
« On les laisse
approcher davantage ?
— Non, il faut y
aller. Feu à volonté, j’allais donner l’ordre. »
Jaillette rampe encore
de plusieurs mètres en direction du rideau serré des Allemands qui fouillent
inlassablement chaque buisson. Le parachutiste lance, coup sur coup, deux
grenades qui atterrissent et explosent efficacement. Puis, en trois bonds, il
se replie et rejoint ses compagnons.
Méda s’est allongé sur
le dos et, tenant son fusil mitrailleur à bout de bras, tire au hasard. Vercherie
et Hourdebaigt, qui eux aussi sont servants d’un F. M., adoptent la même
tactique. Les trois armes crachent à l’aveuglette, mais leur faisceau boucle le
cercle.
Les Allemands décrochent
prudemment à la recherche de positions abritées. Ils n’ont aucune raison de
forcer les choses, ils sont parvenus à leur but : localiser le groupe de
parachutistes qu’ils savent d’un effectif considérablement inférieur au leur. Ils
n’ont aucune raison de prendre le moindre risque.
Seulement, la nuit est
tombée. Et dans leur recul prudent, les S.S. ont élargi le cercle ; ils
devinent où sont les parachutistes, mais sont incapables de les situer avec
suffisamment de précision pour tirer au but. Alors, eux aussi tirent au hasard.
Les trois mitrailleurs
français s’apprêtent à riposter, quand d’Azermont, d’un bond de chat, rejoint
Méda.
« Ne tirez pas !
C’est ce qu’ils souhaitent pour nous situer. »
L’aspirant rampe jusqu’aux
deux autres servants et leur transmet la même consigne.
Les dix hommes se
retournent sur le dos et suivent dans la nuit la course des balles traçantes. Au
bout d’un instant, ils réalisent le miracle : les balles passent au-dessus
d’eux, les Allemands se prennent mutuellement pour l’adversaire, ils sont en
train de se tirer dessus entre eux.
« C’est trop beau, chuchote
l’aspirant, si ça pouvait durer. »
Ça va durer au-delà des
espérances les plus optimistes : pendant la nuit entière, les S.S. vont
poursuivre leurs échanges meurtriers.
À 5 heures du matin,
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