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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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sera tombé, de deux heures en deux heures. Les
    deux derniers tenteront de gagner en vélo une gare plus éloignée que Vannes ou’Redon. »
    Pendant des mois les
    parachutistes avaient été entraînés au repérage en rase campagne, à la marche à
    la boussole. Dans l’esprit de leurs instructeurs, ils allaient être appelés à
    se mouvoir à travers champs, bois et forêts, se terrant comme des bêtes, évoluant
    par bonds prudents, s’entourant d’extrêmes précautions. C’était absurde. Ils
    étaient français, ils étaient nantis de papiers d’identité : ils
    comprirent que le train et la foule constituaient leur meilleur abri.
    De Vannes qu’il gagna à
    pied, Bergé prit son billet pour Paris et fit un voyage paisible dans le
    couloir d’un wagon de troisième classe.
    Le 17 mars, vers 16
    heures, il traversait la place de Rennes, ébahi par l’ambiance paisible, par la
    promiscuité indifférente des Parisiens et de leurs occupants.
    Bergé ne connaît
    personne à Paris. En tout cas personne sur qui il soit sûr de pouvoir compter. Son
    idée est de rencontrer la mère d’Éliane, sa fiancée. Il est possible qu’elle l’éconduise,
    il est impensable qu’elle le trahisse. « Elle dirige le centre de
    Croix-Rouge de la gare du Nord », avait affirmé Éliane qui ne possédait
    pas d’autre adresse.
    Bergé s’engouffre dans
    le métro, emprunte la ligne directe Montparnasse-Gare du Nord. Dans le wagon
    bourré, il connaît une légitime angoisse. Un militaire de la Wehrmacht est
    collé à lui ; sa hanche épouse la musette que Bergé porte en bandoulière
    et qui contient son Colt et six chargeurs. À chaque station, au moment où la
    rame freine, il sent l’arme qui laboure le flanc de l’Allemand. Bergé transpire,
    de grosses perles de sueur dégoulinent de son front, chatouillent son cou, glissent
    lentement dans l’échancrure de sa chemise sale. Il n’ose pas s’essuyer par
    crainte d’agiter davantage la musette.
    Sur le quai de la
    station Gare du Nord, Bergé s’affale un long instant sur le banc, ses
    cuisses tremblent, il ne peut s’empêcher de penser qu’il vient de risquer sa
    vie bêtement. Cette question des armes avait été débattue longuement avec ses
    hommes avant leur départ de Bretagne. Aucun d’eux n’avait pu se résoudre à se
    séparer de son pistolet. François Rénaux s’était chargé d’ensevelir les
    explosifs et les mitraillettes, mais chaque parachutiste avait tenu à conserver
    son arme individuelle.
    Bergé monte les
    escaliers qui mènent à la gare. Il a partiellement retrouvé son sang-froid, mais
    il n’est pas à l’aise. L’idée d’affronter la mère d’Éliane dans cet état de
    saleté le tourmente : il a davantage l’allure d’un clochard en quête d’un mauvais
    coup que d’un officier de l’armée française. En outre, Georges Bergé est un
    timide. Il est issu d’une famille modeste ; lorsqu'une âpre anxiété l’étreint.
    M lle de Boisboisselles, Lady Mac-Douglas-Lucas, ces noms
    qui tournent et retournent dans sa tête représentent une muraille de traditions
    face à laquelle – il en est persuadé – il va bafouiller et faire preuve d’une
    humiliante maladresse.
    Le capitaine pourrait
    aisément se renseigner dans le hall de la gare. Il préfère déambuler et fureter ;
    inconsciemment, il gagne du temps. Lorsqu’il trouve la haute porte vitrée sur
    laquelle il lit : Centre de la Croix-Rouge — Paris-Nord, il
    ne peut se résoudre à en franchir le seuil. Il s’accorde un sursis, gagne les
    toilettes et tente de rétablir un ordre relatif dans sa tenue répugnante et
    fripée. Il s’accorde un second sursis et va ingurgiter un verre de rhum à la
    buvette. Enfin Bergé se résout à passer la porte du Centre hospitalier. Plusieurs
    infirmières affairées ignorent sa présence. Il s’approche de l’une d’elles et, dans
    un souffle, interroge timidement « Savez-vous si Lady Mac-Douglas-Lucas
    pourrait me recevoir un instant ? »
    L’infirmière le dévisage,
    visiblement surprise. « Qui dois-je annoncer ? »
    Il allait dire : « Capitaine
    Bergé des Forces françaises libres. » C’aurait été tellement rassurant. Il
    se reprend et marmonne :
    « Bergé. Georges
    Bergé. »
    Instantanément le
    capitaine est introduit dans un bureau dont l’exiguïté rend encore plus
    impressionnante la haute et sèche silhouette de lady Mac-Douglas.
    « Elle n’est pas
    telle que je l’imaginais,

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