Qui ose vaincra
des États-Unis se montrera décidé à recevoir régulièrement notre reddition.
— L’un de mes hommes ?
— Bien entendu. Vous et les deux autres resterez avec nous en tant qu’otages. »
Alain Le Bobinnec fait un effort considérable pour ne pas laisser percer son émotion. Il sait qu’aucun Américain n’acceptera de venir se fourrer dans ce guêpier. Quant aux Anglais, ils se trouvent à plus de quatre cents kilomètres au nord.
Cherchant à gagner du temps, il explique :
« Vous devez vous douter que je ne suis pas dans le secret des dieux. J’ignore tout des prévisions des Alliés, il n’est pas impensable que la LRD armée Française qui monte du sud parvienne à Saint-Pierre avant les autres. Que se passerait-il alors ?
— Je pensais m’être bien fait comprendre : nous nous battrons jusqu’au dernier survivant.
— J’espère que dans ce cas vous aurez le temps de faire évacuer la population civile.
— Le colonel Hartël n’y songe pas. La présence des civils peut nous permettre de soutenir un siège plus long, car il est vraisemblable que les forces françaises dissidentes hésiteraient dans ce cas à pilonner la ville à artillerie lourde.
— C’est ignoble !
ne peut s’empêcher de lâcher l’officier parachutiste.
— C’est la guerre, lieutenant, c’est la guerre. » Au point où il en est, Le Bobinnec décide de jouer le tout pour le tout, de pousser le coup de bluff à son paroxysme.
— Allez dire à votre colonel que l’un de mes hommes va partir alerter un bataillon britannique.
Il peut être là dans la soirée ou dans la nuit. »
Edelring se lève.
« Je vais transmettre. J’espère pour vous que vous ne surestimez pas la réaction de vos amis anglais. » ! Le médecin-capitaine sort, suivi par Le Bobinnec. L’Allemand se dirige d’un pas vif de l’autre côté de la place. Le Français rejoint Bodard, Lucas et Boutinot.
— Boutinot, écoute-moi bien. Suis mes consignes à la lettre. Tu vas rentrer seul. Il y a en permanence une dizaine d’officiers anglais de tous grades qui traînent en inspection ou avec des missions de renseignements à la mords-moi-le-nœud autour du bataillon.
Il faut supplier Leblond d’en décider trois ou quatre à venir parlementer avec ces guignols butés.
— Compris, mon lieutenant. Mais vous, vous restez ici ?
— Je n’ai pas le choix.
— Merde ! Ça sent vachement mauvais tout ça.
— Tu parles ! Expose bien la situation à Leblond. Dis-lui qu’il y va, à coup sûr, de la vie de plusieurs milliers de civils. »
Le médecin-capitaine revient apporter l’accord du colonel.
Boutinot part aussitôt au volant de la jeep, un soldat allemand l’accompagne jusqu’aux limites de la ville.
« Vous pouvez vous installer au mess, lieutenant, déclare Edelring. À midi, vous partagerez le repas des officiers, je donnerai des instructions afin que vos deux soldats soient nourris à la roulante avec nos troupes. »
Alain Le Bobinnec ne peut s’empêcher de ressentir une allégresse malsaine provoquée par la tournure insolite que prend la situation. Lui, Bodard et Lucas vont, durant plusieurs heures, devenir les hôtes de la plus impitoyable des unités de Waffen S.S.
À midi moins deux, le colonel Hartël arrive au restaurant. Edelring lui présente le sous-lieutenant français. Après une hésitation Hartël tend la main. Le Bobinnec la serre.
Le colonel préside une table de six officiers supérieurs. Le Bobinnec est invité à prendre place à la gauche du médecin qui, lui, préside une table d’une vingtaine de jeunes officiers. Plusieurs d’entre eux parlent plus ou moins le français. Edelring les a disposés de telle façon qu’ils puissent échanger des propos avec leur « invité ».
Le médecin-capitaine lance la conversation sur l’histoire de l’Art, et pendant près d’une heure les officiers allemands vont faire étalage de leur culture. Il ne va être question que de musique, de peinture, de littérature, de sculpture ; Edelring s’arrangeant habilement pour qu’aucun autre sujet ne soit effleuré.
À la roulante des hommes, Lucas et Bodard sont traités avec une curiosité presque amicale. Un Alsacien les a immédiatement accrochés :
« Dites, les gars, je suis français, moi aussi. J’ai été engagé par force, comme tous les nôtres. Alors, si vous pouvez faire quelque chose pour moi.
— Pour l’instant, c’est plutôt toi qui pourrais faire quelque chose pour nous, tu
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