Qui ose vaincra
son acte, mais vous devez vous méfier de chaque homme. Vous allez demeurer quatre jours sur un véritable volcan. Je désapprouve cette mission extravagante, mais j’ai reçu des ordres formels. Je suis contraint, en outre, de vous demander, quoi qu’il arrive, quelque incident qui se produise, de n’ouvrir le feu qu’en dernière extrémité. De toute façon, ça ne changerait pas grand-chose : submergés par le nombre, vous n’auriez pas la moindre chance.
— Ça, ça reste à voir, réplique le sous-lieutenant Fauquet. En tout cas, pour une vacherie, c’est une vacherie. Et les F.F.I. ? Qui nous dit qu’ils ne vont pas faire quelques cartons au passage ?
— En principe, ils sont prévenus. En fait, c’est plus douteux.
— Et si le cas se présente ? Sur qui est-on censé tirer ? raille amèrement Fauquet.
— Tu fais pour le mieux, Fauquet, tu improvises. Je vous répète que je vous transmets des ordres que je désapprouve. Je ne peux rien faire de plus.
— Enfin, nom de Dieu, râle Le Bobinnec, nous allons nous trouver à un contre cent, disposant d’un armement plus léger et cela pendant quatre jours. Il faudrait que ce soit une fameuse bande de lopes pour ne rien tenter.
— Je sais. Mon vieux, notre seul atout réside dans la discipline des Allemands et dans leur peur panique du maquis. Leur hantise est de tomber vivants entre les mains des partisans.
— J’admets ce raisonnement pour un pourcentage, même pour un pourcentage énorme, mais il est impensable que sur le nombre il ne s’en trouve pas une poignée qui tente quelque chose, et ça suffirait pour déclencher le feu d’artifice.
— Faites pour le mieux, je ne peux rien ajouter.
— Ah ! on nous aura joué des tours de cons dans cette putain de guerre, mais là, on décroche les palmes !
— Lequel d’entre vous a dit ça ?
— Qu’est-ce que ça peut foutre, mon colonel ? On le pense.
– tous. »
Sancoins, 13 septembre, 5
heures du matin. Prudemment la population demeure à l’abri derrière les volets clos. La place et les deux rues principales sont noires de soldats allemands. Plus de 7 000 hommes, 40 véhicules, 19 blindés. Parmi eux, 2 000 Waffen S.S., 800 parachutistes. Tous s’apprêtent en ordre à prendre la route. Malgré la discipline, l’atmosphère est lourde, les visages sévères.
On avait annoncé une troupe exténuée, éreintée, elle semble seulement empreinte d’une hargne contenue.
Face à l’énorme concentration ennemie, treize jeeps, une cinquantaine d’hommes, six officiers, dix sous-officiers.
Le sous-lieutenant Philippe Fauquet et le caporal Robert Crœnne occupent les places avant d’une jeep. À l’arrière, Pams et Bidault complètent l’effectif de l’équipage.
La semaine précédente, le sous-lieutenant Fauquet a beaucoup chassé. Il arbore un trophée sur son béret une plume de faisan qu’il a fixée entre le feutre et l’insigne de son unité.
À petite vitesse, la jeep remonte l’interminable colonne ennemie, puis elle revient sur son chemin et s’immobilise sur la place de Sancoins auprès des douze autres qui y sont parquées.
« Tu as repéré le colonel gueulard ? interroge Crœnne.
— Tu parles ! Celui-là, il vaudrait mieux se le foutre de notre côté. »
Effectivement, à une vingtaine de mètres, un colonel S.S. vocifère des ordres, vérifie les tenues des hommes dont il ne paraît jamais satisfait. Il s’arrête à hauteur d’un sous-officier et lui crache littéralement son mépris au visage. Docile, l’homme se débarrasse de son sac dont il extrait une trousse et se dirige vers une fontaine à laquelle il entreprend de se raser.
« Ben mon salaud, il est pire que Bourgoin, celui-là, lâche Crœnne en portant machinalement la main à son menton pourtant rasé depuis moins d’une heure.
— Tu as eu le trac qu’il t’y envoie aussi ?
— J’espère que tu ne l’aurais pas laissé faire.
— J’aurais balancé l’ordre avant lui ! Je crois que je vais profiter de ces quatre jours de promenade pour prendre quelques leçons. Face à ces gus, l’évidence éclate : question de discipline vous ne faites pas le poids. Vous voulez que je vous dise ? Vous êtes trop familiers ! Tout ça va changer. » Le départ est prévu pour 6 heures. À 5 h 45, un premier incident compromet le déroulement de l’opération.
Une traction avant arrive sur les chapeaux de roues ; un drapeau tricolore flotte au-dessus de la portière, sur
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