Qui ose vaincra
prévenir les habitants des bourgs de ne se manifester sous aucun prétexte. Le sous-lieutenant remercie le ciel du fait que le colonel des S.S. se soit pas trouvé parmi les éléments de tête.
« On revient de loin, mon lieutenant ! fait remarquer Crœnne.
— Et il n’y a qu’une heure qu’on est partis… Quel merdier ! On n’arrivera jamais. »
Pourtant la première journée se passe sans autre incident notable. Les Français, par ce fait, reprennent une relative confiance. À la tombée de la nuit, une halte de six heures est décidée, et l’énorme concentration installe un campement dans la forêt de Meillant.
Les Allemands sont porteurs de leur propre ravitaillement et de leur matériel de campagne. Ils montent habilement des tentes sommaires, individuelles ou doubles.
Suivi comme son ombre par l’interprète, Fauquet rejoint le colonel avec lequel il engage un dialogue que l’Alsacien traduit sur un ton neutre.
« Je pense que, comme moi, expose le lieutenant vous avez intérêt à ce que notre marche se poursuive dans la quiétude. Pour cela, il serait bon que votre troupe prenne conscience d’une entente relative entre nous. De la cordialité apparente de nos rapports peut dépendre l’ordre dans les rangs. En bref, je réponds de mes hommes, répondez des vôtres. »
Le colonel reste un long instant muet avant de répondre. Parlant français, Fauquet s’était adressé à son interlocuteur, le fixant ostensiblement, considérant l’interprète comme un objet. Ostensiblement à son tour, le colonel s’adresse à l’interprète, dédaignant l’officier français.
« Répondez-lui que je suis contraint – malgré un profond dégoût – de jouer cette comédie. Et que je ne ferai preuve d’aucune hostilité démonstrative à son égard. Ajoutez que je considère ce Français comme un traître à sa patrie qui prétendait collaborer avec nous, mais que néanmoins je réponds de mes hommes, je lui donne ma parole. »
L’Alsacien traduit, en ajoutant ses excuses personnelles.
« Laisse tomber, mon vieux, le rassure Fauquet. Ce qui importe c’est qu’il joue le jeu. Ses états d’âme, je les ai au cul. Ça, je te dispense de le lui traduire. »
Le jour ne s’est pas encore levé lorsque la colonne reprend sa pesante progression. La nationale 144
qu’empruntent les « prisonniers » traverse sur plus de vingt kilomètres la forêt de Vouzeron. Il est évident le bois est truffé de résistants. Mais à l’immense soulagement des parachutistes, ceux-ci restent invisibles.
La tragédie tellement redoutée, tellement prévue, va éclater vers 15 heures.
Les jeeps patrouillent à une vitesse approximative de trente kilomètres à l’heure. Chaque véhicule passe donc à hauteur de chaque groupe sensiblement toutes les deux minutes.
Une jeep commandée par un sergent vient de croiser une troupe d’un millier de fantassins. Elle se trouve ensuite dans un trou, reprend de la vitesse, et disparaît dans une courbe de la route.
Aussitôt, suivi par une dizaine de ses hommes, un lieutenant allemand s’élance à travers la forêt. Les fugitifs parcourent une centaine de mètres, puis se jettent plat ventre. Le lieutenant conserve les yeux rivés sur la trotteuse de sa montre. Il perçoit le passage de la jeep suivante. L’absence du groupe est passée inaperçue, lieutenant attend quinze secondes, et reprend sa fuite.
Dans leur course, les Allemands tombent brusquement sur deux résistants. Les armes crépitent. Surpris avant d’avoir pu réagir, les partisans s’écroulent, mortellement atteints.
Les coups de feu ont donné l’alerte. En forêt, les maquisards sont nombreux ; les fugitifs nazis sont repérés et encerclés. Une fusillade nourrie s’engage. Deux Allemands sont tués, deux autres blessés, dès les premiers échanges. Deux nouveaux résistants tombent à leur tour, tués sur le coup. Alors, de part et d’autre, les hommes trouvent des abris, et le combat se poursuit avec le même acharnement, mais avec moins d’efficacité.
De la route, Fauquet a perçu le claquement des armes. Instantanément il a compris et réalisé la situation. Il fonce pour freiner à hauteur du colonel qu’il invite à monter dans sa jeep.
L’officier S.S. se cale aux côtés de Pams. Une seule fesse sur le siège, il se tient des deux mains au pare-brise, bloque son corps par pression de la jambe sur l’aile.
La jeep s’engage dans la forêt. Fauquet progresse, se guidant
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