Qui ose vaincra
des
responsables.
Si la farce n’eut pas le
retentissement que Friedrich escomptait, elle fut néanmoins, après la
Libération, publiée dans l’un des premiers numéros de l’édition française du New York Herald Tribune ; de nombreux magazines la reprirent, l’un d’eux
en tira une nouvelle.
Quant à Friedrich von
Schüttorf, sa trace se perd en en 1951 lorsqu’à Washington il obtint après son
mariage la nationalité américaine.
HUITIÈME PARTIE
L’OPERATION AMHERST
46
« Vous devriez voir
Lulu, mon lieutenant ! Il est devenu fou !
— Qu’est-ce que tu
me racontes ?
— Ils ont sauté sur
une mine. Le Citol, Deschamps et Lulu. Les deux autres sont pas beaux à voir. Lulu,
y paraît intact, mais il déconne. »
Le lieutenant Varnier
enroule un foulard autour de ses oreilles, sort de la baraque et grimpe dans
une jeep, la température est de moins 34 degrés. Dans les derniers jours de l’année
1944, le 2 e R.C.P. est monté en Belgique épauler les divisions
américaines qui subissent la contre-attaque des Ardennes. Depuis trois jours, le
stick Varnier tient ses positions dans les environs de Poix et de Saint-Hubert.
La jeep de l’officier s’arrête
à la hauteur d’un groupe de trois parachutistes transis qui, sans conviction, se
frappent les flancs, battent la semelle et soufflent dans leurs mains.
Assis sur une borne, un
quatrième semble insensible au froid polaire. Il a les yeux dans le vague, dodeline
de la tête, et répète inlassablement : « 4,95. » Varnier se
porte à ses côtés, se courbe et lui déclare doucement :
« Alors, Lulu, qu’est-ce
qui t’arrive ? Qu’est-ce que tu racontes ?
— Vous voulez
acheter un Colt ? Pas cher, 4,95, répète Lulu obstiné, le regard flou.
— Voyons, mon vieux,
tu me reconnais bien, je suis Varnier, ton ami Varnier, le lieutenant Varnier.
— Le lieutenant
Varnier, annonce Lulu, je vous le vends : pas cher, 4,95. »
Varnier examine son
compagnon. Bien qu’aucune blessure ne soit apparente, il a été atteint d’un
projectile dans la nuque, qui a provoqué un traumatisme crânien. Le souffle
causé par l’explosion de la mine l’a en partie paralysé, le rein gauche a été
touché par un éclat.
« Faites-le évacuer
sur Bertrix, ordonne le lieutenant. Prenez ma jeep. »
Lulu est presque porté à
bord du véhicule, il marmonne toujours : « 4,95 ce n’est pas cher,
4,95. »
Le sergent Lucien
Neuwirth n’a pas encore vingt ans. L’unanimité s’est créée autour de ce grand
adolescent d’une humeur joviale constante. Pour tous il est « Lulu »,
ou « Lulu-Gueule-d’Ange », ou encore « lulu-les-Wrens », allusion
faite à son penchant pour les auxiliaires féminines de la Royal Navy.
De Bertrix, Lucien
Neuwirth est évacué sur Sedan où il subit un électrochoc, pratique médicale qui
n’en est encore qu’à sa naissance. Relativement vite il retrouve sa lucidité et
ses mouvements moteurs, mais une longue convalescence va le trimbaler de Sedan
au Val-de-Grâce, du Val-de-Grâce à la clinique anglaise de la rue Chaptal d’où
il ne sortira dans les derniers jours de mars que pour partir en permission
dans sa famille à Saint-Étienne.
Comme l’ensemble de ses
compagnons d’armes, il pense que pour les parachutistes français la guerre est
terminée, que les Américains sont en train de sonner l’hallali.
Neuwirth porte déjà ses
projets vers un avenir civil lorsque le 1 er avril, le sergent-chef
Payen l’appelle de Paris.
« Lulu, le régiment
va sauter en Allemagne ! Je tenais à te prévenir, on m’a dit que tu étais
parfaitement rétabli, ça m’étonnerait que tu veuilles manquer ça.
— Un peu gros quand
même, plaisante Neuwirth. Si encore on avait été le 2 ou le 3 avril je t’aurais
peut-être cru.
— Déconne pas, Lulu.
Je sais que tu es en famille et je ne te dérangerais pas pour te faire un
poisson d’avril. C’est une coïncidence marrante, je l’admets, mais ce n’est
rien d’autre.
— Tu me donnes ta
parole ?
— Ma parole d’homme,
Lulu. Saute dans le premier train, il y a un pont aérien avec Londres. Je t’attendrai
au bureau des parachutistes du ministère de l’Air. »
St-Etienne-Paris, Paris-Londres,
Londres-Ipswich, où les deux régiments S.A.S. sont en attente. De la France
entière, tous les permissionnaires abrègent leur congé : à l’instar de
Payen et Neuwirth, ils se sont prévenus
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