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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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retrouvé sans difficulté la cantine qui contenait plusieurs
    uniformes complets de général allemand.
    « Vous m’avez fait
    mander, mon cher ? demande Friedrich en entrant.
    — Assieds-toi et
    cesse de faire le pitre. J’ai à te parler de choses sérieuses. »
    Intrigué, Friedrich
    jette le masque pour un instant et prend place. En quelques mots brefs et
    précis, Roux lui explique ce qu’il attend de lui. Pour une fois, la première
    réaction d’indignation du comédien n’est pas feinte, mais très vite un
    personnage prend forme – celui du noble traité en roturier.
    « Vous osez me
    proposer de m’échanger contre une jeep ! Mettez ma révolte sur le coup de
    ma déception ! Un véhicule parmi les plus inesthétiques aurait donc à vos
    yeux plus d’importance que l’océan de culture que je répands à vos pieds chaque
    jour ?
    — C’est pas le même
    usage… Et puis, écoute-moi bien. La guerre est pratiquement finie. Si tu sais
    te montrer digne du personnage que je te demande de jouer, si tu le pousses
    jusqu’au bout avant de balancer l’histoire à la presse internationale, tu vas
    faire rigoler le monde entier aux dépens des Américains. Ça peut t’ouvrir une
    nouvelle carrière.
    — Il est un détail
    que vous semblez omettre : de nos jours, les généraux allemands sont
    passés par les armes pour un oui ou pour un non… Rien ne me prouve que le vôtre
    n’ait quelques broutilles sur la conscience.
    — Pas question d’usurper
    une identité ! Tu seras le général Friedrich von Schüttorf. Les Américains
    ne se trimbalent pas avec la liste complète des effectifs nazis. D’autre part, nous
    disposons d’un uniforme d’officier général de pionniers : le Génie c’est
    tout ce qu’il y a plus badin.
    — D’abord cet
    uniforme est-il à mes mesures ? questionne Friedrich, démontrant à Roux qu’il
    a enlevé la partie.
    — Probablement un
    peu grand, mais j’y ai songé. Un tailleur va te le retoucher.
    — Un tailleur de
    province ! jette Friedrich dans une moue écœurée.
    — Faudra t’en
    contenter. Le temps me manque pour t’envoyer à Londres.
    — Question
    décoration, c’est convenable ?
    — Un peu faiblard, admet
    Roux, mais ne t’inquiète pas on va t’en rajouter, on n’en manque pas. Et pour
    commencer, on va te balancer la Croix de fer. »
    Friedirich prend un air
    rêveur.
    « Je reconnais que
    l’appartenance à une arme sans panache comme le Génie comporte, en tant que
    prisonnier de guerre, des avantages inéluctables. Mais je me serais assez bien
    vu en général des Waffen S.S., insensible, arrogant, grandiose, superbe, un de
    ces homosexuels virils qui chantent Wagner sur les charniers.
    — Oui, bon, très
    bien. Ne rêvasse pas, de toute façon n’a qu’un uniforme.
    — Il serait foutu
    de se faire fusiller par amour de la mystification, interrompt Noël.
    — Par amour du
    théâtre peut-être », rectifie Roux. Trois jours passent durant lesquels, grâce
    au carburant fourni par les Américains, la compagnie réalise un fructueux coup
    de filet dans les environs de Saint-Martin-de-Mâcon. Les hommes du 8 e stick rentrent à Montreuil avec dix-neuf prisonniers, parmi lesquels six
    sous-officiers.
    Sans rien y comprendre, les
    sous-officiers allemands se voient décorer par les parachutistes de la Croix de
    fer.
    De son côté, Friedrich, après
    avoir imposé en cinq essayages une vingtaine de retouches, a enfin l’uniforme à
    sa convenance.
    Noël part pour Longué, avec
    pour mission de prévenir qu’à 23 heures un camion amènera un groupe de
    prisonniers, parmi lesquels un général de division.
    Le sergent Roux précède
    le camion dans sa Hortch Friedrich a pris place à ses côtés.
    Les Américains se
    montrent réguliers. Les éléments du troc sont complets : près de cent
    cinquante jerricans, une jeep.
    Le lieutenant crasseux
    est ébahi par la présence de Friedrich. Il ne sait quelle contenance adopter ;
    il finit par bafouiller, dans sa langue nappée d’un accent de Caroline du Sud :
    « Considérez-vous
    comme prisonnier de guerre, général. Vous parlez l’anglais ? »
    Dans un anglais
    oxfordien, Friedrich répond :
    « Bien entendu, jeune
    homme. Et ça ne semble pas être votre cas. »
    Par la suite, hélas !
    Friedrich ne put tenir son rôle bien longtemps. La mèche fut rapidement éventée.
    Les Américains eurent le
    fair-play d’être les premiers à en rire et surent étouffer les noms

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