Qui ose vaincra
entre eux.
Lorsque le 2 avril les
deux compagnons arrivent au camp l’effectif des deux régiments est pratiquement
au complet.
« Voyage pour rien,
les gars ! leur déclare le sergent-chef Judet. Les équipes sont formées, c’est
définitif. Vous pouvez rentrer en France.
— Merde ! gueule
Neuwirth. C’est pas vrai, vous n’allez pas aller en Allemagne sans nous !
— D’abord on ne va
pas en Allemagne, mais en Hollande. Ensuite, il y en a une dizaine avant toi
qui se sont fait rapatrier dans leur foyer. Beaucoup de ses choses ont changé
depuis ton absence, il paraît que nous sommes devenus des unités sérieuses.
— Et merde ! râle
Payen qui s’éloigne, désappointé.
— Écoute, ajoute
Judet sur le ton de la confidence, y a peut-être une combine. Tu connais Pattus,
il est dans notre stick, mais il a la crève. Il crache ses poumons l’infirmerie,
essaie de le convaincre de te laisser sa place. Tel que je te connais, tu
devrais sans grand mal trouver des arguments, il est assez naïf. »
Neuwirth n’attend pas la
suite, il se précipite à l’infirmerie.
« T’en as de bonnes,
toi ! Partir à ma place ! s’indigne Pattus entre deux quintes de toux.
On doit pas sauter avant deux ou trois jours ! D’ici là je serai guéri.
— Guéri ! réplique
Lulu. Tu n’as pas vu ta gueule, tu en as pour deux ans de sana, oui.
— Deux ans de sana
pour une grippe, tu te fous de moi. »
Neuwirth ment
effrontément.
« Je ne veux pas t’alarmer,
mais ta toux elle vient des éponges. J’ai eu le temps d’en voir au Val-de-Grâce
des gus qui avaient exactement les mêmes symptômes. Un effort mal venu, un
escalier monté trop vite, une quinte plus forte que les autres, et flac ! adieu
belle jeunesse. Les croque-morts vous embarquent d’un côté pendant que de l’autre,
un infirmier balaye les poumons répandus sur le carrelage.
— Arrête, Lulu, tu
me chambres.
— Pense ce que tu
veux, mais à ta place je me filerais plutôt une balle dans la tronche. Ça
serait tout de même moins douloureux que de vouloir sauter en parachute dans l’état
où tu te trouves.
— En plus, j’ai pas
un rond, réplique Pattus qui mollit visiblement. Tu me vois ici tout seul, raide
à mort ? Le temps paraîtrait long.
— Oh ! si c’est
que ça, ça peut s’arranger ! Moi j’ai pas loin de cinquante livres
sterling. Je peux te les prêter et tu me les rendras quand tu pourras. »
Les yeux de Pattus s’illuminent. Il entrevoit déjà la foire à Londres pendant sa
convalescence.
« Comme ça, ça
change le problème. Si tu penses vraiment que c’est risqué pour ma santé… Et
puis je ne voudrais pas être un boulet pour les copains.
— Je comprends, vieux,
et surtout ne te fais pas de mouron. Après tout, depuis le débarquement, tu en
assez fait.
— Pas plus que les
autres.
— En tout cas, pas
moins. Ne sois pas modeste, conclut Neuwirth. Tiens, prends l’oseille, je vais
prévenir Varnier.
— Te presse pas, il
est déjà prévenu. Le toubib m’a porté inapte ce matin.
— Escroc ! »
braille Neuwirth en sortant en coup de vent.
La légende de la
transaction Neuwirth-Pattus fait le tour du camp. De bouche à oreille, la somme
se gonfle tout le régiment croit que Lucien Neuwirth a payé une fortune son « billet »
pour les Pays-Bas.
Quant au lieutenant
Varnier, il a constaté sans la moindre hésitation : « D’accord, Lulu !
Content de te savoir avec nous. »
7 avril 1945,23 heures. 676
officiers, sous-officiers et hommes de troupe s’apprêtent à gravir les échelles
d’accès des avions britanniques. C’est depuis leur création l’opération la plus
importante en nombre jamais montée par les parachutistes S.A.S. français. Dans
l’après-midi, le brigadier-général J. M. Calvert les a tous rassemblés. En
français, il leur a déclaré :
« Vous allez
participer incessamment à une opération très importante qui, je l’espère, compensera
les déceptions que vous avez ressenties à l’annulation des autres. J’espère
sincèrement pour vous que cette opération ne le soit pas à son tour, mais je ne
le pense pas, sauf si le temps est défavorable.
« Cette opération
sera différente de celles auxquelles vous avez participé dans le passé, car vous
allez atterrir dans un secteur que l’armée canadienne espère atteindre
quarante-huit heures après votre arrivée.
« Créer le maximum
de confusion
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