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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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sa connaissance des langues étrangères
    (il parlait couramment le français, l’anglais l’espagnol et l’italien), elle-même
    due à trente ans d’appartenance à la famille d’un grand cirque itinérant le
    cirque Agenbek.
    Grand, il portait beau, avait
    un visage racé qu’agrémentait une souple et épaisse chevelure neigeuse. Plus
    cabotin que nature, il avait prétendu, lors de sa « capitulation », être
    une grande vedette du théâtre classique Outre-Rhin. Un soir de cuite, il avait
    avoué la vérité depuis trois décennies, il tenait dans le cirque le rôle de M. Loyal.
    Ce qui ne l’empêchait en rien de posséder une fabuleuse culture théâtrale. Au
    cours des soirées à Montreuil-Bellay, Friedrich donnait volontiers aux parachutistes
    de divertissants récitals, rédisait des poèmes en anglais, français et allemand,
    mais le clou de son numéro restait incontestablement une imitation d’Hitler
    prononçant un discours au Reichstag.
    Dans la journée il
    reprenait son travail aux cuisines, car il était en outre un fin cordon-bleu.
    Dans son comportement, il
    était en perpétuelle représentation, mais il divertissait tellement l’ensemble
    de la compagnie que les parachutistes avaient fini par tout admettre de lui
    dans une complicité qui lui permettait, sans être dupe, de développer à l’extrême
    ses vertus comiques.
    Friedrich donnait des
    conseils, réprimandait les hommes en tenue négligée, appelait le sergent Roux « mon
    cher » ou « jeune homme », traitait volontiers les hommes de
    brutes obtuses, les dévisageait, hautain et méprisant. Il mettait en joie ses
    interlocuteurs, tant restaient évidentes à travers ses numéros de cabotin la
    sympathie sincère qu’il portait aux parachutistes et la reconnaissance que lui
    inspirait le traitement familier et anticonventionnel qu’ils avaient adopté à l’égard
    de leurs prisonniers.
    Il possédait de la
    langue française une connaissance de la syntaxe et une richesse de vocabulaire
    supérieures à celles de la plupart des S.A.S. qu’il reprenait volontiers lors d’une
    maladresse de langage. Lorsqu’il le désirait, il s’exprimait en français avec
    un accent presque imperceptible, mais là encore, en cabotin, il savait en jouer,
    accentuant son accent ou l’atténuant au gré des personnages qu’il incarnait.
    L’un de ses plus
    célèbres numéros eut pour victime le caporal Garcia, un Oranais baroudeur et
    dur comme du marbre.
    Friedrich avait
    confectionné un chevreuil aux arômes – non sans avoir déploré que l’animal eût
    été massacré au fusil mitrailleur.
    Le caporal Garcia avait
    entamé le mets en se servant de ses doigts et de sa dague de commando. À la
    façon d’un grand maître d’hôtel, Friedrich s’était alors courbé devant le
    parachutiste, lui présentant sur une assiette une fourchette et un couteau. Un
    peu vexé très amusé, Garcia avait remercié, s’était saisi de la fourchette, mais
    avait continué à découper le gibier avec son poignard. Alors Friedrich avait
    joué l’outrance :
    Ces coutumes me choquent,
    avait-il déclaré au sergent Roux, à haute voix. Si vous désirez continuer à
    jouir de ma princière cuisine, je vous suggère de signifier à votre pourceau d’Epicure
    d’avoir à la déguster selon les usages et avec les égards qui lui sont dus. Par
    ailleurs, la vue de cette arme d’assassin me rappelle douloureusement que vous
    m’imposez la promiscuité d’une nuée de vampires assoiffés du sang des miens. »
    Un éclat de rire général, quelques applaudissements accueillirent la tirade. « Dis
    donc, Auguste, lança une voix, c’est du sang des S.S. que tu nous causes. »
    Les rires redoublèrent. Friedrich se drapa dans une dignité outragée.
    « J’admets, déclara-t-il,
    que le national-socialisme a laissé s’épanouir en son sein certaines unités de
    soldats taquins et turbulents. Je le déplore. L’Histoire les reconnaîtra comme
    les enfants terribles d’une nation de virtuoses de la sensibilité, des arts et
    de la poésie, mais ne vous y trompez pas, le plus impitoyable des Standarfuhrer
    S.S. fait à vos côtés figure de risible colombe ».
    La gorge pleine, un
    parachutiste s’était étranglé de rire.
    Dans le petit salon de l’hôtel,
    le sergent Roux attend Friedrich qu’il a convoqué. Il est vautré dans un
    fauteuil spacieux, Laborde et Noël dans deux autres… Au château de Thouars les
    parachutistes ont

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