Qui ose vaincra
des
moulins des Pays-Bas, le grenier de celui de la forêt de Zwolle a été aménagé
par les Allemands en observatoire. De l’aube au crépuscule, deux guetteurs se
relaient et transmettent par téléphone à un poste central les plus insignifiants
des mouvements suspects.
En cette matinée du 8
avril 1945, les vigiles sont particulièrement attentifs. Rasant presque leur
toit, des avions les ont survolés cette nuit ; le téléphone les a
instantanément prévenus : « Ne prenez aucun repos, ils doivent lâcher
des parachutistes, ouvrez l’œil, transmettez immédiatement le moindre incident. »
« Je vois un
drapeau dans un arbre », déclare l’un des guetteurs. L’autre rigole. « Même
s’il y a des parachutistes, je ne pense pas qu’ils soient assez cons pour être
grimpés aux arbres pour y accrocher leur drapeau.
— Viens voir
toi-même ! Je ne suis pas fou. » Le deuxième observateur prend des
jumelles plus puissantes. L’orée de là forêt de Zwolle est à près de six
kilomètres. L’homme distingue très mal ; assez tout de même pour
comprendre.
« Nom de Dieu !
Appelle Westerbork, vite ! »
L’ autre tourne la
manivelle du téléphone de campagne en interrogeant :
« Qu’est-ce que tu
as vu ?
— Beaucoup d’ennuis
en perspective. Passe l’appareil.
— Zwolle post, herr
major. J’ai repéré des fragments de parachutes au faîte des arbres en
bordure de la forêt de Zwolle. Ne quittez pas une seconde, je vous transmets
les coordonnées exactes sur la carte. »
De Westerbork, le major
de la Feldgendarmerie appelle à Assen le quartier général de la Wehrmacht.
« Je sais, répond
le colonel. Ils en ont lâché toute la nuit. L’ensemble de nos unités battent la
région, je n’ai plus personne à envoyer dans votre secteur.
— Mais les miens
sont localisés, ils sont à coup sûr dans la forêt de Zwolle.
— Et alors ? Vous
suggérez que nous y allions tous les deux ? Ça fait deux heures que j’envoie
des troupes à droite et à gauche, j’ai déjà des rapports d’engagement. Le
quadrillage a été établi, tout le monde est parti en chasse. Les S.S., les
parachutistes, et même vos gendarmes.
— Les parachutistes !
Et si j’alertais Groningen ? »
Le colonel conserve le
silence un long instant avant de répondre.
« Je ne peux pas
vous l’interdire, mais je n’approuve pas.
— La nation est en
péril, mon colonel. Le Führer a ordonné de jouer toutes les cartes.
— Je sais, mon
vieux, je répondrai peut-être très vite de ma lâcheté, mais ce que vous me
demandez je ne m’en sens pas le courage.
— Dans ce cas, je l’aurai
pour vous.
— Je vous le répète,
je ne peux pas vous l’interdire.
Le major demeure la main
sur le récepteur qu’il vient de raccrocher. Puis il tourne la manivelle et, en
priorité, réclame le numéro de l’école parachutiste de Groningen.
L’école des
parachutistes de Groningen est commandée par un lieutenant de quarante-cinq ans,
Kurt Rœder.
Blessé à quatre reprises
dans les rangs des franquistes pendant la révolution espagnole, blessé
grièvement pendant la bataille de Crète, laissé pour mort sur le front de l’Est,
Kurt Rœder est aux trois quarts paralysé. Une attelle métallique lui soutient
les reins, sa jambe gauche est artificielle ; le détonateur d’une grenade
lui a traversé le visage, pénétrant sous son menton ressortant par la joue. Il
a en outre un œil de verre et une main de bois. Mais le lieutenant Rœder héros
du 3 e régiment de fusiliers parachutistes, a conservé intact le
timbre de sa voix dont il use pour accroître auprès des élèves de l’école son
prestige déjà immense.
Sous ses ordres, Rœder
dispose pour le seconder de seize autres gueules cassées, rescapés eux aussi de
la division Kreta. Des anciens du 3°fusilier ou du 1 er régiment de
parachutistes d’assaut.
Le vieux lieutenant
jubile, il vient de repérer sur la carte l’emplacement exact de la forêt de
Zwolle. Les élèves de l’école vont recevoir leur baptême du feu. Il hurle des
ordres qui se transmettent sur le même ton. Le rassemblement général est sonné.
Huit cents parachutistes arrivent en courant dans la grande cour d’honneur. En
dix secondes ils sont placés dans un ordre stupéfiant : chaque groupe au
carré, pas une épaule ne dépasse, pas un col n’est déboutonné, les bottes
scintillent, les fusils, les Sturm
Weitere Kostenlose Bücher