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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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», répond simplement le parachutiste.
    À Meppel, le colonel Knegsel reçoit Neuwirth avec les égards qu’on porte à un invité de choix. Son comportement est empreint de l’autorité froide d’un homme prématurément porté à un destin glorieux qui en fit un dieu fragile avant de le replonger, d’un coup furieux, parmi ses semblables.
    Knegsel n’a conservé de son auréole furtive que les pouvoirs exorbitants d’un dérisoire commandant de garnison.
    Pourtant, d’emblée, il plaît à Neuwirth qui, d’un coup d’œil, a compris que le jeune officier supérieur attachait la même valeur à sa parole qu’à sa vie.
    Knegsel, lui aussi, parle parfaitement l’anglais et ne met pas en doute la nationalité prétendue de son prisonnier.
    « Je connais les fâcheux incidents dont vos compagnons ont été les victimes, commence-t-il.
    — Fâcheux incidents !
    interrompt Neuwirth, amèrement.
    — Nous sommes en guerre. Vivre ou mourir est sans importance. »
    Knegsel marche nerveusement de long en large ; il boite bas, mais conserve dans son allure une rigidité étudiée. Jamais Neuwirth n’avait vu sur la poitrine d’un soldat un tel étalage de décorations.
    « Votre aventure, poursuit Knegsel, va nous permettre de faire d’une pierre deux coups. D’abord en vous faisant acheminer dans les meilleures conditions vers un camp de prisonniers, j’espère atténuer le malaise que me cause le geste spontané des élèves parachutistes. Ensuite, en désignant comme cornac un de mes sous-officiers dont la présence m’horripile, vous allez m’ôter une épine du pied. C’est un intellectuel antinazi, une de ces rares plaies humaines que nous sommes contraints de traîner sans sévir, car, à leurs idéologies désordonnées, ils ont ajouté un héroïsme insolent. Avant la guerre, il était étudiant à Rostock. Malgré ses efforts, il n’est pas parvenu à se faire tuer sur le front de l’Est. On me l’a imposé ici et, depuis, il m’exaspère.
    Il m’agresse perpétuellement d’un intarissable flot de doctrines qu’il puise dans les fantasmes délirants des philosophes juifs et marxistes en s’imaginant, dans une émouvante naïveté, qu’elles sont applicables à l’espèce humaine. Au fait, parlez-vous le français ?
    — Sorry, I don’t, ment Neuwirth.
    — C’est peut-être préférable. Mon olibrius le parle et le lit couramment, par contre il ignore tout de votre langue. Ça vous évitera de subir ses assauts de diarrhée verbale.
    Bien que, logiquement, vous devriez partager évidemment ses sentiments. »
    Neuwirth hésite. Depuis le début de l’exposé, il a compris que le jeune colonel mendiait un dialogue, que les œillères du fauve étaient restées quelque part à l’Est, dans la carcasse calcinée de son Stuka. Que le héros cloué s’était réveillé désintoxiqué sur son lit d’hôpital, que depuis il cherchait des réponses à d’obsédants tourments. Neuwirth hésite, puis, conscient de son tort, conscient que tout cela va l’entraîner à passer le restant de la nuit dans un vain dialogue, il décide d’accorder à l’Allemand le privilège d’une contradiction.
    « Êtes-vous certain qu’avec le soldat dont vous vous débarrassez, ce n’est pas votre conscience que vous cherchez à fuir ? »
    Ça y est. C’est parti. À
    4 heures du matin, Knegsel fait monter du café et des sandwiches. À 6 heures, les deux hommes ont la gorge sèche, la voix rauque et usée. Aucun des deux n’a parfaitement convaincu l’autre, le problème reste entier, une estime mutuelle est tout au plus née entre eux.
    Neuwirth, enfin, va pouvoir dormir trois heures.
    Hans Gabritt, faible, grand, maigre, maladif, semble totalement étranger à l’uniforme qu’il porte. L’empreinte sur son visage des coups reçus ne trahit pas leur origine. Les lunettes sans monture, la finesse gracile de ses membres lui donnent l’allure d’un intellectuel rêveur qui aurait fait une mauvaise chute dans l’escalier de marbre d’une université.
    C’est lui qui réveille Neuwirth en déverrouillant sa cellule.
    « Vous ne parlez pas l’allemand ?
    — Nein.
    —Le français ?
    — Un peu… comprends… », balbutie prudemment Neuwirth.
    Le rêveur touche sa poitrine de l’index.
    « Moi, Hans Gabritt.
    Moi, vous accompagner Allemagne. Compris ?
    — Oui, oui, compris.
    — Une heure, précise l’Allemand d’un geste sur sa montre. Dans une heure, compris ?
    — Oui… oui,

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