Qui ose vaincra
chuchote Camaret à Richard.
— Je me méfie de
tes idées.
— La mienne est de
tout repos. Qu’est qui ressemble davantage à une douzaine de soldats qui
marchent au pas, l’arme à la bretelle, qu’une autre douzaine de soldats qui
marchent au pas, l’arme à la bretelle ?
— Parce que d’après
toi, ils n’ont pas de jumelles !
— Ils n’ont aucune
raison de s’en servir. Allez, exécution ! »
Les hommes sont prévenus
rapidement. Au pas, en rang par deux, le commando s’avance tranquillement dans
la direction du pont. Les parachutistes ont préparé armes et grenades et s’approchent
comme n’importe quelle section qui rentre d’une quelconque corvée. En tête, Michel
de Camaret et Richard, juste derrière le caporal Pacifici qui demande :
« On ouvre le bal à
quelle distance, mon lieutenant ?
— On improvise, mon
vieux. Plus on se rapproche d’eux, plus nos chances augmentent. »
Ils avancent. Ils
distinguent de mieux en mieux les Allemands qui ne montrent pas le moindre
signe de surprise. Camaret jubile.
« On aurait dû
apprendre une chanson boche, remarque-t-il.
— Arrête de
déconner, Michel, ils vont se réveiller tout d’un coup. On est pas à plus de
cinquante mètres. On y va ?
— Tu te rappelles
comment on dit « Haut les mains ! » en chleu ?
— Tu n’y penses pas,
Michel !
— Si ! Je
crois qu’on a une chance de les faire aux pattes, tout simplement.
— On dit : Hande
Hoch ! »
À trente mètres, hélas !
les Allemands s’aperçoivent de la nationalité des arrivants. Ils réagissent
vivement, mais trop tard. Les parachutistes sont à portée de tir. Ils
déclenchent les premiers un feu d’enfer. Plusieurs Allemands sont tués, trois
se rendent, quatre parviennent à fuir. Camaret et Richard parviennent à s’emparer
du pont.
Pour la première fois, la
chance – cette compagne insolente d’Alain Le Bobinnec – le trahit. Atteint de
trois balles, il est fait prisonnier dans la cave du village de Westerbock où
il s’est réfugié.
Auparavant, il a réalisé
un bel exploit : il a abattu le général qui commandait toute la
Feldgendarmerie en Hollande.
Le colonel de la
Bollardière a pris le commandement du 3 e R.C.P. en remplacement du
commandant Château-Jobert.
Il saute à la tête de sa
compagnie de commandement dans la région de Spier. Non seulement ils sont
complets à l’atterrissage, mais ils comptent un homme de plus : le dispatcher
anglais a sauté avec eux. Au sol il a tranquillement expliqué :
« J’avais moi aussi
envie de faire la guerre. »
L’Anglais reviendra de l’aventure,
mais ses compatriotes le traduiront devant un conseil de guerre. Il sera
acquitté. Les Français le décoreront.
Le stick du lieutenant
Valayer devait être largué à une trentaine de kilomètres au nord d’Assen.
À l’exception du sergent
Loi, les hommes atterrissent en plein centre de la ville. Les parachutistes
tombent sur les maisons, sur la mairie, le long du clocher de l’église.
Les Allemands déclenchent
instantanément une chasse à l’homme. Valayer et une dizaine des siens arrivent
à se réfugier dans une ferme voisine.
Ils y sont trahis, encerclés
et affreusement massacrés – brûlés vifs au lance-flammes.
L’opération Amherst
devait durer soixante-douze heures, délai qui devait permettre à la LRD armée
canadienne de rejoindre les Français lâchés par petits groupes. Elle se
prolongea six jours.
Durant six jours, à une
époque où leurs contemporains tournoyaient dans l’allégresse de leur libération,
676 Français poursuivirent, dans un combat inégal, une lutte acharnée.
Dans la zone où avaient
été largués les S.A.S., se trouvaient environ 12 000 soldats ennemis. Solidement
ancrés au nord-est des Pays-Bas, les nazis avaient des ordres impérieux : tenir
à tout prix, retarder la progression de l’ennemi vers la frontière allemande.
Devant de chimériques
espoirs d’armes secrètes qui renverseraient la situation, certains croyaient
encore à la victoire ; d'autres – et ils étaient les plus nombreux – préféraient
la mort à la défaite, succombaient plutôt que de voir leur propre sol foulé par
l’ennemi.
La géographie de la
Hollande se prêtait mieux que toute autre à une stratégie du désespoir qui
plongerait l’avance alliée dans un carnage confus.
Le saut des parachutistes
français allait imposer à l’ennemi la forme du
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